J'aurais tant voulu vous décrire
Cette lumière, au crépuscule, qui traverse
Les feuilles vertes, mouillées par la pluie,
Avant qu'elle ne disparaisse,
Avant qu'aussi, je ne disparaisse,
Mais j'aurais beau l'observer,
Elle disparaît
Sans que je n'aie pu la décrire,
Comme je vais disparaître
Sans que je n'aie pu la décrire,
Mais quelle importance,
Elle se renouvelle,
Ni tout à fait la même,
Ni tout à fait bien différence,
Tandis que je ne me renouvelle pas,
Jamais vraiment le même,
Toujours vraiment le même,
Mais quelle importance,
J'aurais tant voulu vous décrire
Cette lumière du soleil qui se couche,
À travers les reflets des gouttes de pluies
Qui tombent, fines,
Entre les reflets de soleil
Sur les feuilles vertes et mouillées,
Des grappe de raisins, quelques olives,
Un morceau de spleen,
Un verre de champagne, au crépuscule,
Pour fêter l'écume du jour,
J'ai comme l'impression, la certitude
Que tout ce que je fais est inutile
Et pourtant je le fais
Pour me donner l'illusion
D'une utilité quelconque à ma vie,
Comme de me dire que
Je ne suis pas né pour rien,
Mais qu'au contraire, qu'au moins,
De ma vie, j'aurais fait quelque chose, qu'au moins,
En me rappelant quelque chose de ma vie,
Je me serais dit,
Mais oui, au moins, je me rappellerai
Ces quelques lignes, ou ces quelques heures inutiles,
Passées à les faire,
A les faire passer.
J'aurais pu, tout aussi bien,
Quoi, je ne sais pas, tiens,
Me battre, servir une noble cause, la patrie pardi,
Comme faire le bien,
Aider mes compatriotes, améliorer notre quotidien,
Sauver la planète et le monde dans lequel on vit,
Mais au contraire, j'écris,
J'écris pour me donner l'illusion que je suis,
Comme si écrire voulait dire être,
Comme si penser pourrait dire être,
Dixit notre bon vieux maître
Me donner l'illusion que je serais plus
Quand je ne serais plus
Que quand je suis,
Rien, du rien, l'expression du rien,
À ce moment, écrit, ici, noir sur blanc,
blanc sur noir, lignes après lignes,
Pages après pages, une inutile litanie
Dans un inutile parcours,
Celui d'un homme inutile dans une inutile vie.
Puis quand je serais mort, je serais
Jeté dans une fosse quelconque, comme tout un chacun,
Avec, au mieux, un marbre brillant et glacial me recouvrant,
Au pire, dans une fosse commune comme un vulgaire traître,
Traître à la race humaine, traître à la noble cause,
Traître au progrès, à la nation et au bien-être commun,
Je voudrais pouvoir, pourtant, vous décrire,
Enfin, ces derniers rayons de soleil
Qui m'éclairent le monde de leurs derniers reflets,
Brillants et froids, avant le crépuscule,
Ce soleil d'or qui s'effondre dans la mer,
Un dernier trait vert qui tire un trait
Sur le noir du jour,
Déversant les brillants de la nuit
Dans le soir de ma vie,
Dans le firmament de mon crépuscule,
Je commençais à voir briller
Dans l'infini l'étoile du berger
Suivie de la petite et de la grande ourse
Je plongeais dans ce magnifique ballet céleste
Pour disparaître à jamais dans l'immensité terrestre
Maintenant, je suis triste dans ce monde sans soleil,
Triste de retrouver la joie du soir,
La musique de mon esprit, les rythmes de mon coeur,
Tant pis ! espérer quoi et pourquoi, je me le demande ?
Déjà que d'espérer, c'est déjà excessif,
Qui sait si demain je serais,
Qui sait si demain sera
Peut-être que demain plus rien ne sera,
Plus rien ne sera de ce qu'ont été ces rayons pour moi ce soir,
Cette chaleur du soir dans le froid de mon coeur
©2009 Marwan Elkhoury