Wednesday, December 21, 2022

Ithaque


Ithaque, garder le cap vers l’Ithaque, ne jamais l’oublier, but ultime du voyage.

Ne rien attendre d’ithaque mais tout espérer du voyage, lui, le voyage, qui donne les connaissances et les richesses.


Retour à son pays d’origine, la mère patrie ou amère patrie ! Traversée de la mer; traversée de l’amer; traversée amère; Voyager les yeux fermés et imaginer son voyage, voyage d’images, voyage immobile d’images fuyantes.


Ithaque est le contraire de la Terre Promise. Ithaque, la promesse du voyage, sauf qu’Ithaque, épuisée et à bout de nerfs, n’a plus rien à donner. Ithaque est le point de départ et d’arrivée, terre désirée et terre maudite, sur laquelle un sort a été jeté. Ithaque n’est pas la Terre du retour. Ithaque est terre d’exil, la terre de l'homme errant sur sa propre terre, condamné à l’errance chez lui-même, errance sans fin. Ithaque, une terre dont on ne peut échapper mais que l’on tente toujours de fuir. Même en la fuyant, elle nous colle à la peau. Même en partant, on y reste toujours.


Le voyage à ithaque est aussi le voyage dans le labyrinthe, un voyage pour s’y perdre, pour ne jamais se retrouver, ou se retrouver serait s’y perdre à nouveau, un voyage plein de surprises, de dangers, de trappes et de pièges et de dragons : toutes ces religions, ces églises différentes, tous ces minarets, toutes ces identités multiples quoiques identiques qui s'entremêlent et se croisent, identités mal définies, indéfinies, indéfinissables, identités similaires, mêmes langues, mêmes mélanges de langues, parler pour ne rien dire, du haut de ces clochers et de ces minarets, un même appel à des guerres fratricides pour chasser l’ennui, pour oublier l'exiguïté du territoire, l’absence de buts, pour remplir d’horreurs l'innocuité de l'existence, le vide existentiel, remplir ce vide par des riens qui forment un tout.


©2022 Marwan Elkhoury

Monday, March 17, 2014

Je t’écris de la mer


Je t’écris de la mer
Qui m'enlace de son mieux.
Je crie de ma terre
Que je caresse de mes yeux.

Ne demeure que la douleur
Dans la couleur du soleil couchant
Ne demeure que la pâleur
Dans la douceur du dernier penchant.

Je pourrais parler au soir
De tous les soirs 
Passés et présents
Et parler dans le noir
De tous les noirs 
Aux êtres tremblants.

Je sonderai les passions
A l’estuaire des tombes,
Et ramenerai les mots
Aux premiers sens du monde.

©2014 Marwan Elkhoury

Tuesday, November 19, 2013

J'ai la nostalgie de ce que je n'ai connu



J'ai la nostalgie de ce que je n'ai connu
Les pays jamais abordés
Les corps jamais caressés
Les lèvres jamais embrassées
Et la nostalgie de paradis inconnus.

©2013 Marwan Elkhoury

Monday, May 21, 2012

Le Je est anti-matière


Le je est anti-matière
Il n’est rien, il n’est guère
Il ne faut trop s’en faire
Pour si peu de matière.

Il se meut dans la sphère
Par delà les méandres
Il se vautre sur la terre
Comme un serpent dans l’antre.

Il est plouc, il est fier
Comme d’Artagnan bat le fer
Il crée monts et merveilles
Dans le monde du sommeil.

Rien ne sert de biaiser
Il faut partir à point.
Ne le sauvera un baiser
Des damnations du loin.

© 2012 Marwan Elkhoury

Tuesday, March 15, 2011

J'aurais voulu comme au détour d'une phrase

J'aurais voulu, comme au détour d'une phrase,
Même pas, rien qu'un fragment d'une phrase,
Partir là-dessus, voguer à l'infini,
Pour ne plus jamais revenir sur le fini.

J'aurais voulu aborder de nouveaux rivages,
Des rivages inconnus et sauvages,
Saborder le temps, accoster l'inconnu,
Pour trouver un présent simple et nu.

Sans passé ni futur,
Qu'un éternel présent,
Qui meurt à chaque crépuscule,
Et renaît à chaque nouveau temps.

Il n'y a pour l'homme
Ni début ni fin.
Il y a un temps dans le temps,
Cet unique et éternel instant.

Rien de ce qui fut ne sera jamais plus.
Tout se perd, rien ne se retrouve plus.
Ces grands arbres que sont les êtres
Apparaissent un jour pour, à tout jamais, disparaître.

© 2011 Marwan Elkhoury

Saturday, December 25, 2010

Je n'ai toujours pas compris pourquoi j'existe

Je n'ai toujours pas compris pourquoi j'existe
Ni pourquoi le monde existe.
Parfois, c'est un fait indéniable qu'il existe,
Et qu'il a ses raisons que la raison n'a pas.

Je marche à l'ombre des figuiers en fleurs
À la recherche des étoiles filantes
Et des âmes mouvantes.

Je cherche les vents d'est en ouest
Pour retrouver les chemins des essences
Et des amours en restes.

Je devine la parole inaudible de l'aimée
Quand l'amour se lie mais ne s'exprime pas.

Hier encore j'ai reçu une lettre
Dont les signes noirs sur des lignes de feu
Illuminent des mots que je ne comprends guère.

Les enfants jouent à la guerre des amants.
Au petit matin, main dans la main,
Ils lèchent les vitrines du monde fébrilement.

Mon dieu, quand et comment que tout cela se termine ?
Quand j'aime, il faut qu'il pleuve
Les larmes que tu refuses de sécher.

L'amour, quand est-ce que je le découvrirai ?
Peut-être, après la vie ?
L'amour, cet esprit,
Quand n'y est plus l'esprit.

©2010 Marwan Elkhoury

Monday, December 6, 2010

La belle endormie

Le jour est une nuit sans fin
La nuit une étincelle de lumière.
À l’origine des mots, peut-être un bonheur,
Mais à la fin des mots, sûrement, le malheur.

Mais alors pourquoi les mots,
S'ils ne peuvent traduire que mes maux ?
Mais alors pourquoi les maux,
Qu'à faire oublier les heures ?

Je t'attends depuis le début des temps,
Mais depuis que je t'attends
Tu prends tout ton temps
Pour ne jamais venir pourtant.

J'ai parcouru les cimes enneigées
Dans la poussière des chemins.
J'ai bu l'eau des sentiers battus
Sur des lits de rivières asséchées.

J'ai demandé au jour s'il te connaissait
Et à la nuit si elle t'avait aperçue
J'ai demandé au soleil s'il t'avait vue
Et à la lune si elle t'avait éclairée.

J'ai traversé les lignes de démarcation
Pour comprendre les signes des scissions,
J'ai traversé les immenses terres
Pour comprendre le sens des mers.

Mais tous, le soleil, la lune, le jour comme la nuit
M'ont répondu qu'ils n'avaient senti
Ni souffle ni âme qui vive
De la belle endormie.

©2010 Marwan Elkhoury

Friday, November 5, 2010

Je n'ai pas peur de partir

Je n'ai plus l'âge des regrets.
Dès l'aube demain  je partirai,
Je hisserai les grandes voiles
Dans la poussière des étoiles.

Je n'ai pas peur de partir
J'ai peur pour ceux qui restent
Je suis mon déclin dans le nadir
Et porte mes pas vers l'est.

Chaque respiration expire dans le noir
Chaque goutte de mon sang chante ta chanson
Chaque geste plonge dans ta mémoire
Chaque pensée décrit ta beauté profonde.

Au petit matin, main dans la main,
Nous partirons,
Et dans le creux de ta main,
Nous marcherons.

Dans le pli de ton sein,
Un dernier baiser, je poserai,
Qui te rappellera demain,
Combien je n'ai vécu,
Que pour ton destin l'épuiser.

©2010 Marwan Elkhoury

Tuesday, October 19, 2010

Nostalgia

Je vis des nuits sans jours
Parmi des temps sans amours.
Les fenêtres s'ouvrent sur le rien de ma vie,
Comme ces regards qui fuient dans le vide.

Y a-t-il un temps où je fus
Où le temps ne s'arrêtait
Faute de temps pour l'être.

De ce soleil du matin sans rayons
Je revois le crépuscule de tes lèvres
Qui dessine la peine au bout du crayon,
Comme un diamant noir au fond de tes rêves.

Tu étais là sans l'être
Dans la plus grande souffrance de l'être.
Les plus grands moments de ta vie
L'étaient de vivre pleinement ta mort.

Il y a encore l'effroi
Qui donne vie à ton regard
Et pour redonner vie à tes doigts, le froid.

Je regarde à nouveau un ciel sans ciel,
Où les cieux se sont évaporés.
Ton visage prend la couleur du miel
Mais tes lèvres se sont décolorées.

Quand je lève ma main de ta main
Je me plonge dans le bel incertain.
Le soleil se couche derrière moi,
La pâle lune se lève près de moi.

Le cri s'efface, ébloui,
Et ma langue s'abstrait dans la nuit.
J'admire l'impact de l'ouie
Quand je fais l'éloge des bruits.

Là où nous nous promenions, seulement,
Parmi l'églantier et le romarin,
Les ornières découvrent gaiement,
Les riches heures de la fin.

© 2010 Marwan Elkhoury

Wednesday, March 3, 2010

Je suis assis ici et j'écris ces mots

Je suis assis ici et j'écris ces mots
Quelqu’un les lira-t-il un jour ou pas
Quelqu'un saura-t-il ou pas
Toute l'horreur de ce que j'ai vécu,

Les bombes, les charniers,
Les visages émaciés,
Les membres décharnés,
Les corps piégés.

On n'entend plus rien.
Les tirs ont cessé.
Les avions sont repartis.

Là-haut, dans le soleil en feu,
Là-haut, le ciel est bleu.
Ne restent plus sur terre
Que brisures de candélabres et poussière.

J'aimerais que ça finisse, je veux m'enfuir
J'ai faim, j'ai soif, je n'en peux plus,
Les rats désertent le vaisseau perclus.
La mort est plus belle que la vie.

Nulle part où aller.
Les issues sont bouchées.
Les ailes sont broyées.

J'entends, au loin, quelques notes de musique
Elles donnent la cadence de la marche funèbre.
Elles permettent une danse tragique
Qui nous pousse, sagement, jusqu'à la tombe,
Par un petit vent doux qui souffle sur nos ombres.

©2010 Marwan Elkhoury

Wednesday, February 17, 2010

La vie après la mort

Nous la connaissons tous,
La vie avant la mort
Qu'y a-t-il à en dire encore.
Pas grand chose alors.

Qu'en est-il de la vie après la mort
La beauté imprenable de ses paysages,
Ses doux vallons et ses calmes pâturages,
L'air si pur, la nature si sauvage,

Les soleils de minuit, les jours comme la nuit
L'amour après la vie, les ébats sur le rivage,
La mort éternelle, les envies qui s'enfuient.

Ici le temps n'a plus cours
Comme tout se ressemble, et les nuits et les jours
Plus d'attente inquiete du jour qui s'en va
Plus d'angoisse à l'heure du crépuscule

Néant et éternité font bon ménage
Le temps ne fait plus de ravages
Assis indolemment sur la plage
Nous sommes épargnés de ses orages

Tout ce que nous savourons,
Nous le savourons à satiété.
Tout ce que nous respirons,
Nous le respirons à volonté.

Nous sommes ici pour toujours,
Memes si nos amours n'ont plus cours.
Nous sommes ici pour l'éternité,
Meme si nos atouts sont bien diminués.

J'ai tant d'amour à donner,
Tant de baisers à voler,
Tant de peine à verser
Tant de douleur à gagner,

Tant et tant de faiblesse pour mon corps
Qui n'est plus que poussière,
Malgre mes désirs qui grandissent
A mesure que mon corps s'adultère.

N'ai plus peur de la vague,
N'ai plus peur de la lune,
Ni du vent ou de la nuit,

Les dieux sont avec nous
Ils nous protègent
De tous les dangers
De tous les sortilèges.

Mais la mort me fait vomir.
Ce qui fait que la vie est la vie,
Une beauté comparable à nulle autre chose
C'est qu'elle est là pour si peu de choses,

Qu'il faut la boire, comme la ciguë, jusqu'a la lie,
Une cantate de Bach,un quintet de Schubert,
Un soleil de Van Gogh ou un air de Rembrandt
Puis frémir, frémir, frémir et puis dormir.

©2010 Marwan Elkhoury

Thursday, January 21, 2010

Qu'est-ce que je fous encore dans ce trou pourri

Rien ne me retient plus ici-bas,
Et pourtant je reste.

Je reste de peur de bouger,
Je reste de peur de partir,
Et qu'en partant, le peu qui me reste,
S'en aille aussi tout aussi vite.

Je ne suis pas d'ici, et pourtant,
Je reste ici sans bouger,
Les jours comme les nuits se succédant,
Les jours identiques aux jours se succédant,
Les jours identiques aux nuits se succédant.

À force de ne voir personne,
À force de ne parler à personne,
J'ai honte d'être ici,
La honte me déforme le visage,
Et j'ai peur que cela ne se lise en sortant.

Mais pourtant si je me décidais à sortir,
Chassé par la honte de mon trou pourri,
Chassé par la honte de ma solitude infinie,
Chassé par la honte de mon désespoir de vie,

J'entends, au dehors, les cris des enfants
Sortant de l'école et qui dansent et qui rient,
Pleins de vie et d'espoir de la vie qui les hante,
Une vie dont ils n'auront le temps d'y penser,
Une vie dont ils n'auront que faire d'y songer.

Ne voilà-t-il pas que je quitterais
Ce monde d'artifices et d'images
Pour un monde de fées et de mirages
Celui qui est pour lequel j'étais fait,
Contrairement à celui qui n’est pas qui me défait,

Un monde de tous mes fantasmes et de tous mes orgasmes,
Celui de femmes lascives et de chérubins angéliques,
De profonds océans et de cieux bénéfiques,
Dans lesquels s'y plonger et s'y perdre est si jouissif.

Allez, le monde existe bien autour de moi,
Plus d’un milliard et demi de chinois,
Et moi et moi et moi et moi, si plein d'émoi,
Si seul et si transparent,
Si frêle et si inexistant.

©2010 Marwan Elkhoury

Wednesday, January 20, 2010

Que sera sera

"Que Sera, Sera,
Whatever will be, will be
The future's not ours, to see
Que Sera, Sera
What will be, will be."

C'est notre dernier dimanche à être nous,
Demain, le temps nous passera dessus,
Demain, le temps passera sans nous
Demain, oui, le temps sera mais sans nous.

Prends encore ma main dans ta main
Et prends mon visage dans la paume de ta main
Permets-moi de te voir, de te sentir une dernière fois
Demain, tu ne seras plus là,
Demain, moi non plus.

Tu es là sur le quai,
Ruisselante de pluie
Je t'adresse un vague sourire
Pour une promesse de se revoir très vite

Sachant que tu ne pourras
Sachant que je ne pourrais
Plus jamais tenir
Ni ta main ni ta promesse.

Je prendrais le train pour aller nulle part
Fuir le temps qui me passe de part en part
Et voyager une dernière fois
Dans le paysage d'une belle.

Te regarder passer
Devant moi à toute vitesse
Et repartir gagné
Par le souvenir de ton sourire perdu.

Une goutte de pluie te mouille le visage
Ou je confonds la larme que tu aurais versée
Si la larme n'était pluie.

Il fait froid. Il fait nuit.
Je rentre dans un chez moi qui n'est plus
Celui que je prétends être non plus.

Pour me sentir ni trop seul, seul à seul,
Ni trop étrange de l'étrange qui m'étrangle
Ni trop perdu du temps qui me prends,
Je chantonne encore cette vieille rengaine,

"Que Sera, Sera,
Whatever will be, will be
The future's not ours, to see
Que Sera, Sera
What will be, will be."

©2010 Marwan Elkhoury

Thursday, December 17, 2009

Quel est ce beau ténébreux ?

Mais où est ce beau ténébreux
Assis là-bas qui est si las
L'offrande de roses et de lilas
La grâce que je ne sois pas l'amoureux.

Angoisse devant la page bleue en feu
Rien, ni les pleurs ni l'azur là
Mise en bière du texte mis à plat
Et pourtant, rien ne retiens ce coeur si malheureux.

Sans omettre l'être
Tu es l'absence, le traître
Et pour cela, je te salue

Fermés, les yeux bien aimés
Ame forte eût mieux valu
Ne fusse le poète si bien armé.

©2009 Marwan Elkhoury

Saturday, December 12, 2009

Haikus

Une neige nuit
Se pose sur la vie
Mon âme frémit.

Le papillon vole
Sur l'ombre qui sombre
La tombe le suit.

L'étrange sarcasme divin
A la barbe du mépris,
Résonne sur le festin.
Le miroir reflète l'esprit.

A l'aune du désespoir
Le rire est tragique.
En rire, faute d'espoir.

©2009 Marwan Elkhoury

Tuesday, December 1, 2009

Je me demande, je me demande encore

Je me demande, je me demande encore
Pourquoi avoir appris à lire et à écrire
Alors que nous n'avons plus rien à dire,
Pourquoi avoir appris à lire et à écrire
Alors que nous ne pouvons plus rien dire,

Puisque les mots ne veulent plus rien dire,
Puisque les mots ne peuvent plus rien dire
Et que les mots ne peuvent ce que je veux,
Et que les mots ne veulent ce que je peux,

Parce que les mots que l'on dit
Ne peuvent remplir le vide de nos stances
Parce que les visages que nous voyons
Ne peuvent effacer la solitudes de nos existences
Parce que les images que nous créons
Ne peuvent cacher les silences de nos errances
Parce que les gestes que nous faisons
Ne peuvent nier le trivial de nos silences
Parce que les mouvements de nos raisons
Ne peuvent changer le chancellement de nos danses
Parce que les sons que nous emettons
Ne peuvent taire le vacarme de l'abîme
Et que les vers que nous entonnons
Ne peuvent sonder l'absence de nos rimes
Et que les peurs de notre enfance
Ne peuvent affaiblir les remords de notre naissance.

Mais alors ne pouvons-nous pas tout de même encore
Décrire l'abîme tel qu'il est
Dans sa grandeur et sa profondeur
Ne pouvons-nous pas tout de même encore
Entonner nos vertiges
Aussi fort que nous permettent nos gorges
Ne pouvons-nous pas tout de même encore
Crier nos malheurs
Aussi fiers que nous permettent nos cordes
Chanter à l'unisson d'un rossignol une mélodie ou deux
Pour exposer nos tristesses et nos joies
Cueillir le lilas aux faîtes des sommets
Planter des oliviers aux bords des jetées
Construire des palais sur des sables mouvants
Ériger des tours au-dessus des précipices
Creuser des tunnels au fond des océans
Poser des barrages au fond des vallées
Monter des phares aux abords des falaises
Et inventer des amours au-delà de l'amertume
Pour supporter l'insupportable le temps d'un murmure.

La vie, cet équilibre instable et ineffable
A l'intersection de lignes qui ne se rencontrent plus guère
Lignes de démarcation entre paix et guerres
Lignes de fuites entre passés et futurs
Tangentes frôlant l'asymptote des dieux
Entre le fini et l'infini
Entre l'être et le non-être
Entre le vivre et le mourir
Entre le mûrir et le pourrir
Espaces multidimensionnels
Entre mystères et transparences,
Où entrent nos silences dans les bruits
Où entrent nos jours dans les nuits
Où entrent nos absences dans les prestences.

Et dans ces va-et-viens indécents
Nous tanguons par-delä les temps
Aux sons des langoureux violons,
Insondables, insatiables et violents,
Parmi les frasques de nos mêlées,
Entre les miasmes de nos pensées.

©2009 Marwan Elkhoury

Friday, November 27, 2009

Je me rappelle, je me rappelle encore

Je me rappelle, je me rappelle encore
Nos larmes froides à la tombée du jour
À l'image de nos ombres sombrant
Dans le sombre de nos jours.

Je me rappelle, je me rappelle encore
Les débats au coin du feu, les ébats sur la plage,
Les promenades, l'été, sur les neiges d'alpage
Et nos baisers furtifs sur les glaces d'aurore.

Je me rappelle, je me rappelle encore
Nos rires fous dans les fumeries d'opprobre
La boule noire et crépitante alors
Nous éclaboussant de tous ses feux.

Et qu'est-ce qu'on fait maintenant
Rien de plus que ce qu'on ferait après
Et qu'est-ce qu'on fait après ?
Je ne sais pas
Ce qu'on a toujours fait après
C’est-à-dire quoi ?

Tirer les cartes, je présume,
Rien de plus que ce qu'on fait maintenant
Tiens, je vois ici un cavalier en flammes
Bravant l'empereur sur une roue de fortune,
Il a une marque rouge sur le front
Mais il se porte fier comme un charme.

Mais qu'est-ce qu'on fait maintenant ?
Je ne sais pas
Ce qu'on a toujours fait maintenant
C’est-à-dire quoi ?
Rien de plus que ce qu'on a toujours fait
Mais encore ?

Tirer les cartes, je présume,
Tiens, voici le diable habillé en Isis,
Une impératrice diaphane aux boucles d'or
Tombant sur ses yeux de lapis
Elle regarde le reflet du bel Adonis
Sur la rive éclairée de lune.

Je me rappelle, je me rappelle encore
Le jour dans la nuit, le soleil dans la pluie
L'amour dans la haine, le mou dans le ferme
Le calme dans la tempête, la cruauté dans le cuit
L'ouvert dans le clos, le chaos dans le chaos

Parce que je veux oublier
Le futur qui est dans le présent
Parce que je veux oublier
Le passé qui est dans le présent
Je m'offre des présents d'oublis
Pour me donner la joie de moments sans soucis.

Je ne peux répondre pour les autres
Je ne peux payer pour les autres
Et pourtant, je paye pour les autres
Et cherche mes mots pour les autres
Pour ce qu'ils m'ont fait
Et ce qu'ils ne m'ont pas fait,

Mes ces mots ne peuvent rien pour les autres
Ni ces mots ne peuvent rien pour moi
Quoique ces mots me coûtent tant à moi.

Le ciel est troublé, les tapis persans
Rouge sang
Elle est joyeuse et fleurie
Recouverte de dentelle de Gand
Ses yeux chat et son sourire bleui
Lui donnent un regard tranquillement endormie.

©2009 Marwan Elkhoury

Thursday, November 12, 2009

Quand l'amour vous chasse, chassez-le

Je t'écris cette lettre
Du reste,
Tu ne veux plus me voir

Perdue que tu es
Dans des tristesses
Infinies
Qui te protégent,
Du reste,
De la tristesse
Du fini.

Je t'écris cette lettre
Vu que tu refuses toujours
De me voir
Oui, surtout,
Me dis-tu,
Quand tu me dis
Si je te dis,
Amour.

Tu dois te protéger
Me dis-tu,
De mes insistances tenaces
Qui sont,
Oui, des menaces

Certes, te dirais-je,
Oui, mais,
Bien des menaces
Mais des menaces
D'amour.

Je t'écris cette lettre
Du reste,
Je ne te l'enverrai jamais.

Je te l'écris
Car, hélas,
Je ne sais rien faire d'autre.

Je te l'écris
Car, hélas,
Je ne peux rien faire d'autre.

Je te l'écris
Car, hélas,
Je ne peux que,

Jour et nuit,
Je ne peux que
Penser à toi,

Jour et nuit,
Je ne peux que
Penser à toi,

Tu ne sauras jamais
Ni de mon vivant ni du tien
Que je l'ai fait
C'est à peine si de ma mort,
Tu en sauras bien plus.

Je ne te dirais jamais
Rien de ce que je pense
Du mal que tu m'as fait
D'avoir succombé,
En ce jour fatal,
À tes charmes fatals.

Des charmes, qui,
Du reste,
Ne méritaient Ni

Ni un tel acharnement
Ni un tel fourvoiement
Ni un tel dévouement
Mais ce fatal engouement.

Tu aurais pu,
Dieux,
Tu aurais du,
Cieux,

Jeter un regard
Un peu d'égards
Pour atténuer mes larmes.

Je respire l'air vicié
Du monde que tu as quitté
Et suffoque dans cette vie nié,
Car tu m'as délaissé.

Que demandais-je Eve
Qu'égards pour mes rêves
Avant d'expirer sur la grève.

Je me meurs
De ne pas te voir
Je me meurs
De ne pas avoir
C'est aussi bien, ma foi

Je n'aurais pu
Si longtemps souffrir,
Je n'aurais du
Si longtemps tenir,

Ni dans mon âme ni dans mon coeur,
Une telle absence,
Ni dans mon âme ni dans mon corps
Une telle abstinence.

Je t'écris cette lettre
Déjà d'un autre monde,
Car depuis que tu m'as quitté,
J'ai quitté ce monde,

Je t'écris cette lettre
Pour te dire encore
Que, dans cet autre monde,
Même,

Je pense à toi,
Et toujours à toi,
Je t'aime.

Je ne peux me délivrer
De cet amour de toi,
De cet amour pour toi,

Une nouvelle mort pour toi
Une nouvelle mort pour moi
Sans pour autant
Me délivrer de ce mal de toi,

Je me meurs
Un peu plus chaque jour,
À chaque jour pour toujours

Immuable, impérissable
Qu'est pour moi
La mort de t'avoir quittée.

Hélas,
Je ne peux
Ni faire ton bonheur
Ni faire le mien,

Hélas,
Je ne peux
Qu'en faire mon malheur,

Je suis déjà mort à ce monde
Et c'est bien mieux pour tout le monde
Et c'est avec malheur que je ferai le bien
En m'effaçant de ce monde et du tien.

Je ne sais où tu es,
Je ne sais si tu es
Mais ne peux que te souhaiter
Mon bien beau deuil
Ce bel éternel
Que j'ai à te faire.

©2009 Marwan Elkhoury

Saturday, October 31, 2009

Combien de tasses de café ou de thé bues ensemble

Combien de tasses de café ou de thé,
Bues ensemble, main dans la main,
À ne rien se dire de peur de se froisser le teint,
Mes yeux baignant dans le silence de tes traits.

Combien de verres de vin bus jusqu'à la lie
Pour étancher un amour sans vie,
Et effacer une vie
Sans amour de vie.

Combien de pincées de sels éparpillées,
Pour supporter la déchirure ou l'absence.
Combien de larmes de tristesse ou de rires accablés
Pour clore passion ou existence.

Combien de craintes de tout perdre
Pour accepter de ne pouvoir jamais connaître
Le fond d'un gouffre sans fond terrestre.

Combien de cigarettes brûlées
A brûler une vie,
Brûler son amour aux flammes du désir,

Combien de chairs caressées
Pour en oublier la chair
Et de lèvres embrassées
Pour que le souvenir de tes lèvres
Me colle à jamais
A ma peau desséchée.

Et de ces chairs et de ces lèvres vives,
Combien d'amours ai-je dû rencontrer pour en oublier l'envie,
Et combien d'amours eut-il fallu pour en regretter la vie
Et combien de vies eut-il fallu pour ne jamais en connaître la dérive.

Combien de mots avons-nous échangé avant de nous départir
Alors que le soleil déjà se couchait et ce lever de lune à peine pointait
Et combien de maux dussè-je subir pour composer cette répartie
Et combien d'étreintes n'avons-nous pas épargné pour en arriver là,
De caresses et de langoureux regards pour en être si las.

Et au-delà des lieux, et au-delà des cieux,
Sans pour autant que je ne cesse de t'aimer
Au-delà des lieux, je n'ai eu de cesse de t'aimer
Et au-delà des temps, et au-delà des dieux,
Même au-delà de moi, je n'ai eu de cesse de t'aimer.

Ces yeux qui furent faits pour te voir et qui ne voient plus
Ces lèvres qui furent faites pour t'embrasser et qui n'embrassent plus
Ces bras qui furent faits pour t'étreindre et qui n'étreignent plus,
Ne sont plus rien pour mon moi si seul.

Ces mains qui furent faites pour te caresser et qui ne te caressent plus
Ces couches qui furent faites pour t'accueillir et qui ne t'accueillent plus
Sont devenues pour ce corps délaissé un linceul.

En regardant là-haut tout là-haut dans l'espace
Tous ces oiseaux qui traversent le grand ciel et disparaissent
Je me rappelle que la vie, heureusement, n'est qu'une brève détresse
D'une furtive éclosion à l'inéluctable trépas.

©2009 Marwan Elkhoury

Monday, October 26, 2009

Noces

Tu ne m'apparais plus qu'à la clarté de la lune
Quand baignent les nuits de soupirs tumultueux.
Tu m'enlaces alors de tes bras nerveux
Pour me lover dans le sourire des dunes.

Je me baigne dans la lumière de tes yeux
Ta chevelure nuit me porte vers les dieux,
Tes seins fermes me nourrissent de bleus
Et tes lèvres vermeilles étanchent ma soif des cieux.

Je m'arrime à tes élans de bonheur,
Pour accoster aux rives du malheur,
Dans la solitude et l'oubli des heures.

De la conscience de l'espoir
Au tragique de la nuit noire,
J'en accepte le triste sort
Tout comme la légèreté de ma mort.

Ô, évanescents moments,
Figements d'un passé présent,
Abolissant passés et présents,
Aux abords de temps déments.

Chaque amour, une promesse de vie,
Me ramène aux déversoirs du Styx,
Tout en passant par maintes effusions mystiques.

Exilé du souvenir, je suis un immigré de l'amour.
Les ruines me rappellent la fin des temps
Comme les rives aux fils de tant de jours.

Les choses s'en retournent
Aux souvenirs d'elles-mêmes
Sans même en avoir jamais eu
Ni conscience, ni connaissance même.

Nous n'avons de permanent,
Que cet éternel absent,
De cet instant inexistant,
Qui fait notre fière existence.

©2009 Marwan Elkhoury

Monday, September 28, 2009

L'étranger

(Où suis-je, d'où suis-je, qui suis-je, suis-je ?)

C'était bon de sentir la sueur de l'été
Couler sur nos corps éreintés.
Nous nous sommes revus chez nous
Là où nous n'avions jamais été
Ni cet été ni cet autre été.

L'été glissait sur nos corps.
Sa langue rafraîchissait mes lèvres.
Pendant un long moment, et dans un long corps à corps,
Nous nous sommes, dans la vague, roulés à corps ouverts.

Plus tard, sans doute, la mer me manquera
La lumière, les baisers, et les chants de l'amour,
La haine, les jalousies, les trahisons et le tralala.

Mais dans cette nuit chargée d’étoiles et d'ondes,
Je m’ouvrais, pour la première fois,
A la tendre indifférence du monde.

De l’éprouver si pareil à moi, si fraternel, en sorte,
Je sentais que j’aurais pu être heureux, ma foi,
Dussè-je bien vouloir le vouloir.

Mais en fait, que faire ? Le monde est sans issue.
Quoi que l'on fasse, nous sommes toujours fautifs,
Fût-ce déjà de celle d'être issu.

Tout nous condamne. Il ne suffit pas d'accepter.
La révolte, ce geste sublime et furtif,
Reste l'ultime recours aux chétifs.

Pour que tout soit consommé,
Pour que je me sente moins seul,
Il ne me reste qu'à souhaiter

Qu'à ma mort, du moins,
Qu’il y ait plus de spectateurs
Que de mon seul vivant.

Et qu'ils me saluent avec moins de haine ou d'indifférence
Que lorsqu'ils me rencontrassent par hasard
Au détour d'un chemin ou sous un lampadaire bâtard
Lorsque je traversais leur champ par un hasard de circonstance.

©2009 Marwan Elkhoury

Tuesday, September 1, 2009

Kunduz 9.09

Trop tard, les avions lâchent leur métal ardent,
La ville brûle, je n'ai nulle part où aller
Mon amour s'en est allé parmi les flamboyants
Le condamné à mort a toujours tort.

La ville brûle, je n'ai nulle part où aller
La terre sous mes pas gronde,
Mon amour s'en est allé parmi les flamboyants
L'ange noir annonce la fin de la beauté.

La terre sous mes pas gronde,
D'étranges désastres, plongées astrales
L'ange noir annonce la fin de la beauté
Parmi ces magnifiques couchers de soleil.

D'étranges désastres, plongées astrales,
Les douces couleurs de l'orient
Parmi ces magnifiques couchers de soleil,
Révèlent de splendides levées d'armes.

Le condamné à mort a toujours tort
J'aurai tant voulu caresser tes lèvres
Rompre la glace des champs magnétiques
Trop tard, les avions lâchent leur métal ardent.

©2009 Marwan Elkhoury

Thursday, August 27, 2009

Rien de l'abîme

Rien de l'abîme
La pureté du violon
Soyeux cristaux, longs soupirs
M'enveloppent de néant,
Je m'abîme.

Je crée mon univers de rimes
Là où les songes faillissent,
À hauteur de ces inaccessibles cimes,
je me hisse,
Là où les formes s'assassinent.

C'est selon
Les sanglots longs
Des couleurs et des rythmes
Pour assister à un pugilat mystique
De formes antiques.

Vraiment je ne comprends plus,
D'ailleurs qu'y a-t-il à comprendre
De ce que chaque chose a sa raison
Que la raison n'a plus.

Je ne suis plus ni d'ici ni d'ailleurs,
D’ailleurs, je ne suis de nulle part,
Je suis de ce pays qui n'existe pas.

Mon pays est celui de mes rêves,
Celui de mes errements et de ma sève,
Je viens de là où je ne suis pas,
Pour aller où, là où je ne vais pas.

L'écriture, comme seul subterfuge quand je n'ai nulle part où aller,
Le rêve, comme seul refuge quand je n'ai nulle part où pêcher
Seul le rêve est mon pays, que je vénère comme une traînée.

Je pars, oui, comme rien ne sert de rester.
Si je devais aimer, je ne serais pas aimé.
Mais il le faut, la vie est fausse mais elle foisonne,
Comme la mort est vraie mais elle moissonne.

©2009 Marwan Elkhoury

Friday, August 7, 2009

Hier encore aujourd'hui, j'étais, je ne suis plus

Le ciel m'a arraché à la plage,
Arraché au sommeil de mes larmes,
Pour me porter à travers les nuages,
Dans le froid glacial des absences intersidérales.

Je songe le jasmin de là-bas et la terre,
À travers les chemins du souvenir fêté,
Je sens les soleils de la mer,
À travers mon corps ruisselant de poussière.

Hier encore je marchais
Dans les lavandes de ma vie,
Je déplaçais les branches sans réveiller les ombres.

Hier encore je froissais
Le temps de ma vie,
Pour découvrir des horizons pleins de rosée de l'aube.

Hier encore aujourd'hui, j'étais, je ne suis plus.

Hier encore, je vivais,
Mouillé par une pluie d'étoiles qui me lavait.

Hier encore, je plongeais
Dans le bleu astral de l'été,
Nageant vers l'horizon pour rejoindre le soleil.

Hier encore, je voguais
Entre Thalassodendro et Spinalonge,
Pour sonder les fonds de l'amour impénétrable.

Hier encore aujourd’hui, j'étais, je ne suis plus.

Je suis plus triste que ma tristesse,
L'infinie tristesse de ma tristesse,
Je suis plus silencieux que mon silence,
Dans la nuit de mes souvenirs lointains,
Je suis plus lointain que mon lointain,
Dans le brouillard de mes nuits sans romances.

Ah si je pouvais encore être cet hier,
Un hier sans cet aujourd'hui,
Ah si je pouvais être cet aujourd'hui,
Un aujourd'hui sans lendemains maudits
Ah si je pouvais être ce lendemain,
Un lendemain sans hier ni aujourd'hui ni lendemain,
Ah si je pouvais être sans hier ni aujourd'hui ni lendemains.

Si je pouvais être sans être, aujourd'hui sans aujourd'huis,
Voire, ne pas être tout en étant, un lendemain sans lendemains,
Un hier sans hiers pour ne rien espérer ni regretter,
Rien qu'un éternel aujourd'hui,
Le temps d'oublier ces hiers déchirés,
Le temps de ne plus me souvenir ces lendemains haïs,
Et d'oublier l'oubli, le temps pour se rappeler l'insouvenir.

Ma vie a fini de vivre,
Je ressuscite dans la vie de ma mort,

©2009 Marwan Elkhoury

Friday, July 31, 2009

La complainte du poète

Si de la complainte n'apparaissait le mystère,
Rien dans la symphonie des astres n'aurait été,
Du noir de l'univers au bleu frémissement de l'été,
De nos tristes amours, rien n'aurait émergé.

Si du gémissement du caroubier ne suppurait la plaie béante,
Du chant d'amour des grillons ne murmuraient les bruits,
Sombre merveille de l'existence inexistante,
N'aurait été l'obscur objet du désir fortuit.

Si du froissement de la mer la vie ne jaillissait,
De la plainte du vent, le chant du monde ne persiflait,
Abscons, obtus, sordide et froissé,
Alors, ni réveil ni écriture des accords intériorisés.

Le vent qui souffle dans les branches nouées,
Porte à mes lèvres la chanson du mal-aimé,
Diaphane faisceau de murmures magiques,
Musiques et brisures de chants cabalistiques.

Sur les gradins de l'histoire, beaucoup de dieux ont péri,
Dans les légendes du rêve perverti.
Rien de ce qui n'a été n'aura été obscur,
Mots barbares, flagellations du divers,
Nous nous sommes mis à la table du démiurge.

Jamais un hasard ne fera une oraison.
Tout n'est que foi et loi, ordre et raison.
L'intime gouffre de chaque pensée péremptoire
Me plonge dans des spasmes véxatoires.

Tout effort apporte son lot de misère, la richesse du monde insolent.
Trajectoire de l'innocence vers l'omnipotence,
Le jaillissement du génie épousera l'inconscient.
Il aura fallu inventer le divin pour supporter l'humain,
Le pousser dans les derniers retranchements du tragique destin.

©2009 Marwan Elkhoury

Friday, July 24, 2009

Les arbres de la mer

Je regarde les oliviers qui descendent la mer,
En rangs serrés, glorieuse armée devant l'éternel,
Partis à la conquête de l'inutile, vagues amères,
Ployant leurs branches dans l'immensité du charnel.

Ils noyaient l'océan de leur baume doré,
Et mêlant au suc noir le bleu tapis des flots,
Réfléchissaient la masse du monde sur ce froid mohair,
Et broyaient l'univers d'un long gémissement clos.

Les arbres lavaient leurs branches dans l'orgueil de la mer,
Leur regard dans les cieux, les pieds dans les coquillages,
Défiant les dieux et les gardiens du rivage,
Se riant du frel humain, de son bref mystère.

Je descendais les marches du temps vers les grands auvents,
Suivi comme une ombre des multiples questions du visible,
Ce foisonnement de roses et de jasmins,
Ce bouleversement de soies vertes et d'airs marins,
Ces tremblements de la main devant l'invisible.

Je t'accompagnais, toi, ô, la reine des dieux,
Toi, l'Athéna d'une Olympe morte,
Qui trônait sur ce monde du milieu,
Monde en pleine floraison, maintes natures tendues,
Régnant sur le lieu des figures déchues,
Fortifiant les coeurs faibles, épousant les âmes fortes.

Je ne pouvais que m'en approcher à distance,
Tant elle était elle,
Ne pouvant qu'endurer l'aveuglement de ses prestances.
La beauté de son aura brûlait mon faible coeur,
Les parfums portés par le vent des ailes,
Calmaient mes morsures mortelles,
Embaumant mon corps de mille extatiques sueurs.

Elle était la petite fille que je tenais du rêve,
Celle qui me guidait dans l'énigme du souvenir,
Me tenant la main pour me montrer la grève,
Moi, le seigneur latent sans devenir,
Le sourire du dieu enfant me soulevant au-dessus du rêve.

Sans elle, ni passé, ni présent ni même d'univers,
Ne pourraient troubler l'orbe du désespoir,
Ni arbres, ni ciel, ni terre, ni mer,
Ne seraient sans l'ombre du répertoire.

Temple de l'éternel bonheur, terme de l’éternelle beauté,
Me demandant si c'était là où il fallait vivre
Ou si ce n'était là où je devais mourir,
Qui de cette terre aride en faisait un paradis,
Ce pays que j'aimais et qui était tien,
Ce pays que tu aimais et qui était mien.

Les oliviers descendent sur la mer,
A l'aube des grandes manoeuvres millénaires,
Mêlant leur suc noir au bleu tapis fauve,
Ce foisonnement de roses et de jasmins mauves,
Ce froissement du miroir en plein désarroi.

© 2009 Marwan Elkhoury

Tuesday, July 21, 2009

À l'orée de ce siècle fini

À l'orée de ce siècle fini
Je regarde cet énième coucher de soleil
Les rouges des braises ardentes
Se mêlant aux roses des montagnes d'amarante.

Quand tous auront contemplé le siècle maudit,
Ils pourront pourrir en paix, eux aussi,
Après avoir été vu et vécus.

Moi, je repars, le cerveau ivre,
Ivre d'avoir trop vécu ce qui fut sans vie,
Me retrouvant lové dans ma splendide solitude,
Âme perdue sans les restes de mes amours autour,
Tout juste entouré de mes chiens et de mes fléaux.

Tout ce que j'aime se résume en un seul mot: la chute.
Mais j'aime mon époque car c'est probablement la dernière,
Jours agonisants avant que la terre ne s'assèche,
Gorges sèches avant que les flots ne l'envahissent,
Pieds brûlés que la terre anéantira de ses derniers feux,
Et que les hommes brûleront de leurs derniers amours.

Je n'ai cherché ni à escalader les monts
Ni à dégringoler les vallons,
Je n'ai recherché que la plénitude
Des mornes plaines et de leur mortel ennui.

Je voudrais tant encore une énième fois,
Ressentir le cri de l'amour avant de m'évanouir,
Oui, rien qu'une dernière fois avant que de mourir,
De savoir la fin si proche, ressentir cette joie.

© 2009 Marwan Elkhoury

Tuesday, July 14, 2009

Je viens voir l'ombre que je devins

Je viens voir l'ombre que je devins,
Par-delà l'aube du divin.
Je ne suis pas là où je suis,
Je ne suis pas là où je fuis.

Prêt à échanger vos réels
Contre un seul de mes rêves.
Un rêve est un rêve
Mais ce rêve est mien
Et ces réels rien.

Esclaves du bruit, taisez-vous !
Pour qu'enfin les bruits s'élancent
Et que des silences émergent le silence.

Les mots disent ce qu'ils disent
Mais disent encore et encore et encore
Autre chose que ce qu'ils disent.

Les mots disent les présages,
Ils disent les corps, ils disent la mort,
Ils disent la peur de l'orage,
Ils disent les larmes sur ton visage,
Et mon amour de toi que tu ne dis d'ores.

Ils disent des mots, des mots et des mots,
Toujours des mots,
Rien que des mots.

Ils disent les désirs et les rites,
Ils disent encore le silence
Et ma beauté de toi maudite.

J'aurais voulu goûter tous ces parfums
Qui restent collés à ta peau,
Comme ces grains de sable sur ton corps mordoré,
Pour qu'enfin passent un peu sur ma peau,
Qu'un peu de toi passe sur ma faim.

J'aurais voulu poser mon regard sur le tien
Mais je n'ai pas osé,
Tant ton regard était calme et convulsé le mien.

J'aurais voulu poser mes lèvres sur les tiennes
Mais je n'ai pas osé
Tant tes lèvres étaient douces et rêches les miennes.

J'aurais voulu poser mes mains sur tes mains
Mais je n'ai pas osé
Tant tes mains étaient effilées et les miennes déchiquetées.

J'aurais voulu, j'aurais voulu, j'aurais voulu mais
Je n'ai pas osé
Tant ton regard était loin et le mien broyé.

Dieu est grand
Si grand que personne ne peut l'atteindre.
Dieu est grand
Si grand qu'il ne peut personne atteindre.

Tout, ici-bas, a des relents de remugle,
De dégueulis et de vomissures
Je ne veux vénérer que les prostituées,
Que la laideur et le stupre,
Seules choses qui soient vraies
Dans ce monde si surfait.

Merci à tous,
À la beauté, au parjure,
Au péché, à la luxure,
À dieu, à l'azur,
Merci, je vous assure,
Merci à tous.

© 2009 Marwan Elkhoury

Saturday, July 4, 2009

Du principe d'incertitude

Le clair et l'obscur se rejoignent pour former
"la triste opacité de nos spectres futurs". (*)

Le poème est cette divinité suprême et inexistante
Suprêmement présente et réellement absente
N'existant que par le signe et par le rythme.

Il est là pour remplir le chaos de ses mots
Et créer, ex nihilo, un sublime fléau,
Qui soit sien bien qu'il ne soit rien
Pour se perdre dans les méandres des flots,
Les grands vides laissés par les dieux en fuite.

Silence ! le silence va au-delà des mots
Pour les faire disparaître ou les faire renaître.
Le visage rie ou pleure,
Les choses ne sont pas ce qu'elles sont,
Ni les mots ce qu'ils sont.

Les mots appellent aux mots pour s'enfuir,
Annoncer le sens pour s'en départir,
Ils annoncent la mort de la création,
Comme la création de la mort.

Sang, larmes, encre, cri,
Écriture et déroute, mystères des prophètes
Disparus, trahisons, échecs et bruits

Miroir, chevelure, parure, nudité,
Corps de la femme, monts et forêts secrètes,
Musique de la danse, astéroïdes, aspérités,
Le voyage, la mer, le ciel, le soleil et la terre,

Je sais l'horreur de l'être, le manque et l'absence,
L'être est partiel, le non-être, total,
La nostalgie de l'être jusqu'à son non-être,

Hamlet, le rêveur des noires merveilles du monde,
Hésite devant le crime,
Fait le vide autour de lui
Pour ne jamais jouir d'une solitude fatidique.

Vivant, je dis ma mort
Car mort, je ne pourrais plus dire ma vie.
Aux tranquilles désastres ne survit qu'une vaine agitation,
Aux rives du désespoir, on s'y plonge sans passion.

©2009 Marwan Elkhoury
(*) Toast funèbre, Stéphane Mallarmé

Thursday, July 2, 2009

Il faut oublier les mots

Je n'ai de cesse de parler
Le temps d'oublier
Avant de m'effacer
L'écriture de mon corps à travers mes peines
Le don de l'existence tragique,

Je n'ai de cesse d'écouter
Le temps de me rappeler
Avant de disparaître
La plainte des mourants dans les battements de mon coeur
Les chants de la musique mystique,

Je n'ai de cesse de chanter,
Le temps d'écouter
Avant de me perdre
Le son d'une guerre lointaine au-delà des plaines
Les bruits de fer sur l'asphalte caustique,

Je n'ai de cesse de boire
Le temps de me désaltérer avant de m'enterrer
L'eau-de-vie et le vin des coteaux,
Rêves de nuits orphiques,

Je n'ai de cesse de naître
Le temps de renaître avant de m'éteindre
Le cri du bébé à sa mère éplorée,
Rêves de libertés ludiques,

L'orage au loin gronde,
Les passants se pressent de rentrer
De peur d'être trempés,
De peur de s'être trompés,

L'orage se rapproche, sombre,
La rue se fait silencieuse,
Quelques oisillons sur les branches chantent encore
La nuit peu à peu tombe,
La pluie fait le vide, nettoie la rue et le monde

L'orage maintenant plus fort, tonne
Les feuilles des arbres à présent frémissent
Les fenêtres frappent et les portes claquent
Il est temps, il est temps
Pour moi aussi de rentrer et de m'enterrer,

Une petite fille, suivant son ombre,
Dans la rue, saute encore sur une corde,
Elle est gaie, d'une gaieté qui reflète son ordre
Ignorante du danger et des trombes

Et pourtant je n'ai de cesse
Je n'ai de cesse
De cesse je n'ai
Il faut oublier les mots

©2009 Marwan Elkhoury

Tuesday, June 30, 2009

Divagations

Pardonnez-moi cette étrange tristesse qui me hante
Cet étrange destin qui m'éprend
Cet étrange chagrin qui m'étreint

Est-ce dû à ce terrible hasard d'être né
À ce singulier hasard d'être là
Oui las, si las, que je me demande,

Je me demande si parfois,
Je n'aurais pas mieux été que de ne pas être
Je n'aurais pas mieux fait que de me défaire

De tant de temps en si peu de temps
De tant de choses en si peu de choses
De tant de prose en si peu de prose

Pardonnez-moi de ne pas savoir l'art de la poésie,
Ni de vouloir en faire l'art des signes,
Je viens de lointaines contrées désertiques
Où le mot est anachronique
Et le regard hérétique.

Qu'étais-je avant d'être
Quand tout conduit à la mort
L'ennui comme l'excitation
Tout conduit à l'extinction
De son corps météore,
Dis, que serais-je après d'être.

Je passe des nuits blanches à rêvasser
Devant ma page maculée de plaies
Enchaîné à terre et mon corps éreinté
Magnifique d'un côté, mais de l'autre esquinté.

J'aimerais couler dans le vert des profondeurs
Sans jamais remonter aux bleus vapeurs
Mais toujours ce ciel pâle, cette grisaille d'onde
Limbes de décrépitude sur le ridicule du monde.

Je ne rie plus de la désolation qui m'entoure
Ni des tempêtes de turpitude qui m'assaillent
Les pommiers sont en fleurs, les fleurs qui m'envoûtent.

Rimbaud, au beau visage aux yeux bleu clair,
Descendaient les fleuves impassibles
Des peaux-rouges, cloués nus aux poteaux de couleurs,
Débris d'humanité, éternelles litanies, rengaines,
Le saluaient pleins de rages et de peurs.

Verlaine, oui, les fêtes galantes, sagesse amère,
Poète des paysages tristes et de la mélancolie,
Qui, tout enfant, jadis et naguère,
Créait des paradis mystiques,
Des femmes évanescentes et physiques.

Baudelaire, l'albatros, prince des nuées,
Qui, exilé sur le sol au milieu des huées,
Hante la tempête et se rie de l'archer.

Je suis plutôt comme cet oiseau,
Qui, gauche et maladroit au sol,
Est incapable, ni de voler ni de flotter,
Peut juste sombrer dans les flots,
Pour rendre à l'âme son trop-plein de blâmes.

@2009 Marwan Elkhoury

Monday, June 22, 2009

Voyages d'Ulysse

Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage,
Qui eut pu, si les dieux l'eussent voulus, lui être fatal,
Et s'en est retourné, sain et sauf, dans son Ithaque natale.

Heureux qui comme Ulysse a fait un grand voyage
Vivre auprès de Pénélope, en son vieil âge,
Quoique, en son veuvage, fut aussi fidèle que volage.

Heureux qui comme Ulysse a fait un fier voyage
Se battit contre des Géants et gagna sans visage.
Habitué aux malheurs, bravant les présages,
Recherchait l'impossible et les affronts d'orage,

Pour ne pas être reconnu des siens,
Ulysse ne reconnut plus rien, et devint
Personne et personne ne le reconnut.

A la vérité, effacé des réalités,
Il vécut dans l'ailleurs, et depuis, confronté
A ce monde de nulle part, il voulut l'affronter
Ce monde et le monde des humains.

Il éclaira le Tartare,
Refusant d'avaler le nectar
Ne buvant l'ambroisie
Pour ne pas sombrer dans l'aphasie.

La lumière se tue et disparut enfin
Dans le néant de la mort, à mi-chemin,
Le saisissant dans ce monde de nulle part
Où le menait, au-delà de l'humain,
Les dieux, aux monts Olympiens.

L'infini le réclamait pour l'immortalité
Au lieu de cela, c'est la mort qu'il souhaitait,
Etre soi et disparaitre pour exister
Plutôt que l'immortalité dans un éternel paraître.

Heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage
Puis s'en est retourné vers son pays natal
Se demandant, mais pourquoi tous ces ravages
Pour une belle Hélène pourtant bien trop fatale.

©2009 Marwan Elkhoury

Wednesday, June 17, 2009

Lamentations de Jeremiah

J'aurais tant voulu vous décrire
Cette lumière, au crépuscule, qui traverse
Les feuilles vertes, mouillées par la pluie,
Avant qu'elle ne disparaisse,
Avant qu'aussi, je ne disparaisse,

Mais j'aurais beau l'observer,
Elle disparaît
Sans que je n'aie pu la décrire,
Comme je vais disparaître
Sans que je n'aie pu la décrire,

Mais quelle importance,
Elle se renouvelle,
Ni tout à fait la même,
Ni tout à fait bien différence,
Tandis que je ne me renouvelle pas,
Jamais vraiment le même,
Toujours vraiment le même,
Mais quelle importance,

J'aurais tant voulu vous décrire
Cette lumière du soleil qui se couche,
À travers les reflets des gouttes de pluies
Qui tombent, fines,
Entre les reflets de soleil
Sur les feuilles vertes et mouillées,

Des grappe de raisins, quelques olives,
Un morceau de spleen,
Un verre de champagne, au crépuscule,
Pour fêter l'écume du jour,

J'ai comme l'impression, la certitude
Que tout ce que je fais est inutile
Et pourtant je le fais
Pour me donner l'illusion
D'une utilité quelconque à ma vie,

Comme de me dire que
Je ne suis pas né pour rien,
Mais qu'au contraire, qu'au moins,
De ma vie, j'aurais fait quelque chose, qu'au moins,
En me rappelant quelque chose de ma vie,
Je me serais dit,
Mais oui, au moins, je me rappellerai
Ces quelques lignes, ou ces quelques heures inutiles,
Passées à les faire,
A les faire passer.

J'aurais pu, tout aussi bien,
Quoi, je ne sais pas, tiens,
Me battre, servir une noble cause, la patrie pardi,
Comme faire le bien,
Aider mes compatriotes, améliorer notre quotidien,
Sauver la planète et le monde dans lequel on vit,

Mais au contraire, j'écris,
J'écris pour me donner l'illusion que je suis,
Comme si écrire voulait dire être,
Comme si penser pourrait dire être,
Dixit notre bon vieux maître
Me donner l'illusion que je serais plus
Quand je ne serais plus
Que quand je suis,

Rien, du rien, l'expression du rien,
À ce moment, écrit, ici, noir sur blanc,
blanc sur noir, lignes après lignes,
Pages après pages, une inutile litanie
Dans un inutile parcours,
Celui d'un homme inutile dans une inutile vie.

Puis quand je serais mort, je serais
Jeté dans une fosse quelconque, comme tout un chacun,
Avec, au mieux, un marbre brillant et glacial me recouvrant,
Au pire, dans une fosse commune comme un vulgaire traître,
Traître à la race humaine, traître à la noble cause,
Traître au progrès, à la nation et au bien-être commun,

Je voudrais pouvoir, pourtant, vous décrire,
Enfin, ces derniers rayons de soleil
Qui m'éclairent le monde de leurs derniers reflets,
Brillants et froids, avant le crépuscule,
Ce soleil d'or qui s'effondre dans la mer,
Un dernier trait vert qui tire un trait
Sur le noir du jour,
Déversant les brillants de la nuit
Dans le soir de ma vie,
Dans le firmament de mon crépuscule,

Je commençais à voir briller
Dans l'infini l'étoile du berger
Suivie de la petite et de la grande ourse
Je plongeais dans ce magnifique ballet céleste
Pour disparaître à jamais dans l'immensité terrestre

Maintenant, je suis triste dans ce monde sans soleil,
Triste de retrouver la joie du soir,
La musique de mon esprit, les rythmes de mon coeur,
Tant pis ! espérer quoi et pourquoi, je me le demande ?
Déjà que d'espérer, c'est déjà excessif,

Qui sait si demain je serais,
Qui sait si demain sera
Peut-être que demain plus rien ne sera,
Plus rien ne sera de ce qu'ont été ces rayons pour moi ce soir,
Cette chaleur du soir dans le froid de mon coeur

©2009 Marwan Elkhoury

Thursday, June 11, 2009

Plus je contemple l'effervescence du monde

Plus je contemple l'effervescence du monde
et plus, je me dis, quelle honte,
mon dieu, où allons-nous ?

ah que la vie est belle
ah que la vie est bête

elle m'a quitté pour un baiser
pour un rien que je ne lui ai pas donné
pour un bouquet de fleurs que je lui ai refusé

ah que la vie est belle
ah que la vie est bête

pour un baiser en plus ou en moins,
une vie ou deux sont brisées
pour un baiser en plus ou en moins
une nouvelle vie peut être espérée

ah que la vie est belle
ah que la vie est bête

le monde, un jeu de dés improbable,
l'amour, un jeu de fées incroyable.

entre un tremblement de terre d'amoniac
et un tremblement de lèvres démoniaque
ma vie et mes amours se jouent

entre la beauté de l'amour
et l'horreur des jours
mon dieu, où allons-nous ?

épouser l'indifférence ou violer la vie,
nier le monde et lui tourner le dos,
comme on nie à une fille sa beauté
ou à un animal sa fougue ou sa force
ou bien foncer tête première dans le ressac des flots
mon dieu, où allons-nous ?

qu'attends-je de la vie
qu'une place au soleil
le temps que la nuit tombe
et que l'absence me relève

ah que la vie est belle
ah que la vie est bête

je n'ai nul besoin de voyages
pour savoir que la terre est plate
et que d'un bout à l'autre du monde,
un coucher de soleil est un coucher de soleil,
et que les montagnes roses, au coucher, sont merveilles.

je n'ai nul besoin d'amour
pour savoir que les femmes sont miel,
que d'un bout à l'autre du monde,
une femme est une femme,
et qu'une femme aux joues roses est une femme aux joues roses
et qu'une femme aux yeux verts est merveille.

pour un baiser en plus ou en moins,
une vie ou deux sont brisées
pour un baiser en plus ou en moins
une nouvelle vie peut être espérée

ah que la vie est belle
ah que la vie est bête

©2009 Marwan Elkhoury

Wednesday, June 3, 2009

Poussières d'étoiles

Comme pour toujours, je vais disparaître,
Comme si jamais rien n'était apparu,
Comme si jamais rien n'avait existé,
Comme si jamais n'avais ni rien senti ni rien vu,

Mais avant qu'à jamais, je ne disparaisse
Je voudrais bien qu'apparaisse
Quelqu'infimes particules de cette poussière d'étoiles,
Poussières de mondes, caresse de déesses,
Qui, sur moi et sur ma peau, se déposeraient,
Pour m'imprégner de sensations et de pensées,
De saveurs, de goûts et d'odeurs,
Dans le plus intime de mon corps et de mon coeur,

Ces flux des dieux, poussières de paradis,
Pour m'étouffer, m'éblouir et m'annihiler,
Me donner la connaissance d'un parfum d'incendies
Plaisamment transformé, par tout un peuple immonde, en voluptés,

Ô Satan, dieu miséricordieux, délivre-nous du banal,
Envoie-nous ton fils pour nous libérer du mal
Enivres-nous des plaisirs des amours fatals,
Donnes-nous la vie éternelle, auprès duquel
La damnation des dieux nous sera légère,
Les travaux à perpétuité, au coeur de nos querelles,
Une chimère;

Ô Satan, puisque l'enfer est notre destin,
Permets-nous au moins d'en faire un festin,
Un puits de jouvence, un siècle de lumières,
Pour voler au-dessus des dieux, humbles et fiers.

Nous mélangerons nos esprits au sel de la mer
Pour sonder les méandres de nos passions
Et confondre les angoisses de nos chères affaires
Auprès des dieux en rébellion.

Si je meurs demain, qu'aurais-je apporté
De ce que j'ai reçu,
Qu'aurais-je laissé
Au monde de ces ambitions déçues,
Rien que des rêves d'empires déchus,
Rêves de gloires dérisoires,
Rêves de conquêtes éphémères,
Ces rêves du rien, du rien qui est dans tout,
Et rêver le tout qui n'est dans rien.

Comme le vent qui souffle dans les feuillages,
Pour répandre le pollen parmi les nuages,
J'aurai semé une nuée de poussières dorées,
Sur un monde qui n'aurait jamais dû exister.

©2009 Marwan Elkhoury

Saturday, May 16, 2009

Coupable d'une faute

Coupable d'une faute
Dont j'ignore la cause,
Que me reste-t-il de plus
Que me jeter dans l'oubli,
Dans tous les vices et les enivrements
Possibles et vulgaires,
Les femmes, l'amour, l'insouciance,
La paresse et le monde,

Je courus les sauvages et les moeurs bizarres,
Je recherchais la fréquentation
Des mauvaises filles et des mauvais garçons,
Je feignais d'ignorer
Qu'il y eut un bien et un mal,
Et tout ce qui vient avec,
Le péché, la culpabilité, le regret ou les remords,

Je devenais follement épris
De tout mais surtout de rien,
De tout le factice de la vie
De toutes ses futilités,

Conversations à bâtons rompus
À propos de tout et de rien,
De l'amour, de la guerre ou de la mort,
Jusqu'aux premières lueurs fatales de l'aurore,

Non, me dis-je, je n'appartiens pas à votre monde,
Mais dieu seul sait
Si jamais il fût un monde
Auquel j'eus pu un jour appartenir,

Orient, occident, nulle différence,
Je me mis à chercher un lieu,
Sur terre, sur eau, au ciel, au feu,
Où disparaître,
Mais nul endroit où m'oublier.

Que me restait-il d'autre
Que d'autres mondes,
Ceux du rêve et de l'imaginaire,
Ceux que je construirais et
Déconstruirais à ma guise,

Hélas, me dis-je, tu coules, reprends pied,
À quoi cela sert-il,
Si je ne connais le bonheur,
Ni ici ni là,
Autant plonger que rester là,
Où plus rien n'est ni ne puit rien être non plus,

Si encore, j'eus pu trouver
Un but noble et utile à ma vie,
Je me serais dépensé à ça,
Mais, à vrai dire, quoi,
À ce moment était l'ultime question,

À quoi ou à qui, dîtes-moi,
À dieu peut-être, mais oui, mais pourquoi,
Qu'en a-t-il a foutre de moi
Ou d'un autre, je me demande toujours.

©2009 Marwan Elkhoury

Saturday, May 2, 2009

A bridge to nowhere

Peut-être que l'image d'une barque,
Immobile, m'emportera loin d'ici
Vers cet océan magique
Qui berce mes songes
Les vagues qui m'avancent
Vers cette autre rive
Et le choc des flots
Sur les planches de ma vie.

Peut-être que
Depuis longtemps déjà je dérive
Peut-être que d'une rive à l'autre
Vers ce pont qui ne mène nulle part
Et que j'enjambe pour passer là-bas,
Là où plus rien n'est.

Qu'ai-je besoin de ceux-là quand je ne suis plus
Quand le bruit de la fureur ne s'entend plus.
Je ne désire plus que le silence de mon île
Et c'est tout ce qu'encore je désire.

Où sont ces oiseaux aux ailes bariolées
Ces perroquets aux ailes de fées
Volants autour de ces grands palmiers
Pour m'accompagner dans le grand voyage mystique
Vers ce paradis futile mais féerique.

J'écris le rien, j'écris sur rien,
Avec des mots qui ne sont point miens
Avec des mots qui ne sont rien
Qui veulent bien mais qui ne peuvent
Faute de mots pour le faire
Faute de trop pour le rêve.

Les rêves sont ainsi faits
Avec tous ces riens qui font une vie
Avec tout ce qu'il y a de maux dans une vie
Pour permettre aux nuits de se faire
Et permettre aux jours de se défaire.

Étroite est la terre étroite est ma vie
Pour permettre à l'esprit de voler
Pour permettre à l'esprit de plonger
Pour renaître à l'esprit l'art de connaître ,
L'art de parler et celui de songer.

Qu'est-ce encore que cette vie,
Jamais eu le coeur à chanter,
Ni mes joies, ni mes peines,
Jamais eu le coeur à danser,
Autour de cette âme en peine.

Vivrai-je encore après ma vie
Si je n'ai pu vivre déjà celle-ci
Dirai-je encore mais oui merci
De n'avoir pu vivre celle-ci
Pour enfin vivre vraiment
Pleinement cette autre.

©2009 Marwan Elkhoury

Saturday, April 18, 2009

C'est par une infime erreur de parcours

C'est par une infime erreur de parcours,
Que je dois ma naissance,
Par une infime absence,
Que je dois mon existence.

Et de cette infime horreur est née cette vérité,
Comme par une infime coïncidence,
Le monde existe.
Et sans cette infime différence,
Rien n'aurait été.

Lorsque je sais, qu'à chaque instant, je pourrais,
Je pourrais cesser d'être,
Cesser, pour le moins, d'exister
Ou être autre, ce rayon de soleil sur ton visage,
Un baiser sur tes lèvres, ton sourire, tes yeux si bleus,
Ta poitrine ferme, ta taille gracile, ton pubis,
Un papillon de nuit, un rubis,
Ta chevelure blonde qui tombe sur tes fines épaules,

Et pourtant, je ne suis que ce que je suis,
Et pas autre chose,
Quoique si tu m'avais regardé
Plus longuement, plus intensément,
J'aurais pu être autre que ce que je suis,
J'aurais pu être ce regard, j'aurais pu être cet amour,
J'aurais pu être ce sourire, ou ce papillon sur ton pubis,
Un baiser sur tes lèvres, tes yeux si bleus,
La vague sur la plage, le vent dans tes cheveux,

Ne sommes-nous pas tous, de ce fait, une erreur
Et de cette erreur, n'en expions-nous pas, tous, la faute,
Tout le restant de nos jours,
Une faute que nous n'avions pas commise,
Mais comme tous ceux qui nous précèdent,
Nous la perpétuons avec allégresse
Peut-être pour en exorciser le mal ou la culpabilité,
Et nous permettre de reprendre notre souffle,
Pour respirer avant que d'expirer.

Mais maintenant que je suis, que nous sommes,
Qui suis-je, que sommes-nous,
Comment d'une telle inattention, d'un tel hasard,
Pourrait naître une telle nécessité.

Et déchirant le silence de la nuit,
Le coq chante, je me rappelle à la vie,
Je me tâte, tâte les draps, je me dis,
Ce n'était qu'un mauvais rêve,

Mais le réveil est pire, puisqu'il me rappelle à moi,
Il me rappelle à ce que je suis et à ce que je ne suis pas,
À ce que je ne serais jamais, à ce que je ne pourrais jamais être,
Il me dit, voilà, il me dit réveille-toi,
Je lui dis, tais-toi, je lui dis, laisse-moi,
J'enfouis ma tête sous les draps pour renaître
À de nouveaux rêves, à de nouveaux êtres.

© 2009 Marwan Elkhoury

Mon amour des mathématiques

Mon amour des mathématiques
Vient de ma haine du monde.

Ma copine m'a plaqué pour mon frère, typique
Je me suis amouraché de sa soeur, facile,
Qui s'était éprise de mon frère, subtil.

Elle m'a pris mon coeur, mais m'a refusé son corps
J'ai pris le coup sans m'en remettre, à tort,

Seul l'alcool aurait pu me faire oublier
Toutes les misères du monde
Mais rien, ni les mathématiques,
ni l'alcool, me faire plier,
Ni ne pouvait me faire oublier
Cette haute trahison, ce lèse-majesté.

Je suis parti en guerre contre moi-même
Les autres partirent en guerre
Contre un je-ne-sais-quoi
Qu'ils appelèrent du nom de dieu
Cela faisait plus précieux.

Je ne vois pas ce que dieu
À affaire avec nos affaires
Mais il était de tous les milieux
Et de toutes les sauces, douces et aigres.

Peut-être que ce qu'il leur manquait
C'était juste un peu de jugeotte
Et surtout un vrai chagrin d'amour, crottes.
Alors que moi qu'est-ce qu'il me manquait
Ce gros chagrin d'amour, petite sotte.

Je suis donc reparti en guerre
Mais je ne l'étais que contre moi-même
Et les autres contre ce je-ne-sais-quoi
Qui s'appelait dieu sait quoi.

Enfant de la guerre, j'ai connu les bombes,
Les filles et les règlements de comptes,
La guerre a façonné mes pensées
Sans que je ne n'aie jamais pu en être fasciné.

Certains s'en remettent, ravis,
De la guerre, comme de la vie,
Mais d'autres, pas, et s'en vont,
Comme ci, comme ça, ici ou là, c'est con.

Je suis donc parti pour ne jamais revenir
Parti ici et là pour mon bon plaisir
J'ai perdu mon chemin sans jamais l'avoir trouvé
Je n'ai jamais su s'il y avait un chemin ni où il me mènerait
Je me suis donc perdu sans jamais me retrouver
Perdu le chemin avant même de le prouver.

Baigné de clartés, j'ai recherché l'obscurité
Pour fuir la chaleur du jour, j'ai aspiré à l'ombre des cours
Aveuglé par la lumière, me suis réfugié dans les prières,
Mais rien n'est plus insidieux que la voix de dieu.

On m'a dit que tout se tenait
Alors que le monde tourne à vide
Par la force des choses, tout se tient, niais,
Et pourtant il tourne, dans le vide.

© 2009 Marwan Elkhoury

Tuesday, April 14, 2009

Passer la vie comme si

Passer la vie comme si
L'on n'était jamais passé
Sans autre passeur de ses rives que soi
Sans autres rives à passer que celle-ci
Sans autre passage que celui-ci.

Car l'autre rive est autre
Et celle-ci est celle-ci
Car l'autre rive n'est jamais celle-ci
Et celle-ci n'est jamais l'autre

Car pour passer d'une rive à l'autre
Faut-il pouvoir passer déjà celle-ci
Mais celle-ci est toujours celle-ci
Impassable, insurpassable,
Et l'autre est toujours l'autre,
Impassable, insurpassable.

Passer la vie comme un mort
Sans autre chemin que celui-ci
Sans autre chemin que le non-chemin,

Car les morts ne marchent plus
Et les morts n'ont d'autres chemins
Que le chemin qui les a vus,
Leur point d'arrivée, leurs point arrivés,
Leurs point de fins, leurs points de fin.

Passer la vie comme un tort
Car la naissance est un tort
Car la vie est un tort
Et le tort est de le vivre
Et le tort est de la vivre.

Passer la vie comme un port
Duquel on ne quitte jamais
Auquel on n'accoste jamais

Passer la vie comme un fort
Un fort-à-faire dans le néant
D'une existence inexistante
Parmi les milliers de constellations du vide.

P.S. Ceci n'est qu'un piètre poème
Et comme tout poème, même piètre,
N'a d'autre existence que celles des mots,
C'est-à-dire, du faux
Et comme tout ce qui est vrai est faux,
Tout ce qui est faux est vrai.

©2009 Marwan Elkhoury

Sunday, April 12, 2009

Il fait gris, gris, toujours aussi gris

Il fait gris, gris, toujours aussi gris
Je cherche mon chemin dans les étoiles
Je ne trouve ni mon chemin ni les étoiles.

J'ai tellement changé de chemins
Que je n'ai plus de chemins
Tellement changé de noms
Que je n'ai plus de noms
Tellement changé de femmes
Que je n'ai plus de femmes
Tellement changé de dieux
Que je n’ai plus de dieux
Tellement changé
Que plus rien ne change.

De tristesses et de nostalgies,
Je sème mon parcours,
De misères et de tragédies,
Je trace mon séjour.

Mes chemins sont jonchés de cadavres,
Chroniques de guerre, embûches et entraves
Mes rêves sont parsemés de fleurs
De caresses de haines et de peurs

Aux détours d'un chemin, je découvre les mensonges
Et par-delà les tours, l'effondrement de mes songes
Ô dieux, comment expliqueriez-vous ces désastres
Ô dieux, comment tolériez-vous ces naufrages

Est-ce grâce au diable que nous devons la vie,
Tellement elle est misérable et si peu assouvie,
Que devrions-nous faire pour mériter cet au-delà,
Si ici-bas tout est déjà si bas.

À chaque jour identique à lui-même,
Le jour identique à la nuit,
La nuit identique au jour,
Alors que tout autour de moi change,
Pour moi plus rien ne change
Ni le jour ni la nuit
Le jour identique à la nuit,
La nuit identique au jour.

©2009 Marwan Elkhoury

Friday, April 10, 2009

ne voilà-t-il pas qu'une vie est déjà passée

ne voilà-t-il pas qu'une vie est déjà passée
une vie que je cherche mes mots et mon verbe
une vie où je n'ai réussi qu'à noircir du papier
tout ce temps tout ce temps perdu à chercher
tout ce temps tout ce temps perdu à jamais

chaque tentative un échec
chaque essai une méprise
ne pas arriver à traduire
en mots les choses que l'on ressent
mais arriver juste à tromper les sens,
à camoufler la pensée
faire entorse à soi et à toi
arriver juste à prétendre
au lieu de tendre
pour mettre en
musique les sons que l'on entend

à apprendre les mots les dire et le faire
à apprendre à avoir ou à être
une vie que je me demande
si le sens a encore du sens
une vie que je me demande
si le silence n'en a pas plus
ou si le non-sens
est plus porteur de sens que le sens.

croire croire croire
à des idées encore
avoir foi loi toi moi quoi
amour cour pour jour four
mort tort porc corps or dors
humanité urbanité nullité honnêteté futilité
pusillanimité

croire mais en quoi
croire mais en qui
s'il y avait un dieu,
encore aurait-on pu
y croire mais encore
s’il y avait un homme
encore aurait-on pu
y croire mais encore
une femme, mais quoi encore

mais à quelles idées,
pâles reflets d’une réalité alitée
tout est laminé, épuisé
éreinté, esquinté, essoufflé
le mieux est encore de n'y pas croire

mystiques, moustiques, caustiques,
fausses acoustiques
rêves, trêves, crève, sève, lève, mièvre
pieuvre, heures, meurt, coeur, leurre, peur

encore en tête cette chanson de dylan
"how many roads must a man walk down
before you can call him a man
The answer, my friend, is blowin΄ in the wind;
the answer is blowin΄ in the wind.

©2009 Marwan Elkhoury

Saturday, April 4, 2009

Laissez-moi vous dire

vous dire ... vous dire avant qu'il ne soit trop tard
vous dire ... n'est-il pas déjà trop tard ?
vous dire ... il est toujours trop tard ...
vous dire ... je n'ai jamais pu vous dire
... vous le dire ...
rien pu dire mais dire médire re dire

le rien
ne rien dire mais dire mais le dire
le rien ce n'est rien ne vois-tu rien venir
non toujours rien jamais rien
rien je ne vois rien venir
jamais toujours

mais quoi
quoi quoi quoi
quoi qu'il arrive ne t'en fais pas
ne t'en fais pas ce n'est rien
ça va ça ira tu verras ce n'est pas grave
ce n'est pas si grave

oui ça ira
comment le sais-tu
ce n'est rien
je n'en sais rien
mais je sais que ça ira
oui ne t'en fais pas
ne t'en va pas

tu verras
ça ira tout ira bien
qu'est-ce qui s'est passé ?
il ne s'est rien passé
il ne s'est jamais rien passé

vers quelles côtes, vers quels ports,
mes dérives immobiles me jetteront-elles,
m'écraseront-elles, me déchireront-elles
la mort de ma vie, l'absence, le bruit,
le bruit dans le silence, le silence dans le bruit
le bruit de la vie tue le silence,
étouffe la musique et son silence
l'écriture est un couteau qui tranche
qui penche

solitude
dans la solitude du désespoir
bateau ivre qui flotte dans des cieux striés d'éclairs
totalement désespéré, je reste assis sur le vide
où suis-je dans quel lieu dans quelle vie dans quel temps
lumières du noir
ces soleils noirs

et si, pour changer, je me suis dit
si pour changer j'étais joyeux
je me suis dit je suis joyeux
si joyeux que j'en serais au bord des larmes
et j'y sombrais et
je pleurais
et j'étais à nouveau malheureux
comme je l'ai toujours été
comme je le serais toujours
je serais malheureux
le meilleur et le malheur de vivre eh oui
joyeux oui ça ira

joyeux heureux malheureux triste
ce n'est rien car rien n'est toujours rien
le rien ne peut être
rien que le rien et rien d'autre

comment vivre la non-vie
être le non-être
n'être rien et être soi
rien pour soi ni pour les autres
même pour soi et que pour soi
rien qui compte et qui ne compte pas
présent absent du tout au même
ici ou là ou nulle part quelle importance
quelle différence et quelle indifférence

il y a le temps
il est là sans être là
ici et nulle part
le temps personne ne l'a
ça n'existe pas
il n'y a pas de temps

l'espace
où est-il quel est-il à qui est-il
il est nulle part
à personne
il n'existe pas

il y a l'immensité de l'espace et du temps
qui sont à tous mais pas à nous
à personne
ils n'existent pas

il y a il n'y a pas
il est il n'est pas
et dans cette non-existence nous existons
entres ces nons-espaces nous passons
nous trépassons
dans ce non-sens nous cherchons un sens
un tout qui s'immiscerait dans ce vide.
ci-gît ma vie.

©2009 Marwan Elkhoury

Monday, January 12, 2009

Ma ville. Quelle ville ?

La ville. Quelle ville ? Petite, dense, laide, certes, oui, laide, bien laide, sauvage, nauséeuse et nauséabonde. Quelle est cette ville que je ne reconnais plus mais que je reconnais ne pas reconnaître. Je l'ai connue mais ne peut me remémorer quand, comment et ce quoi que je connaissais mais ne peut reconnaître à nouveau. Chaque fois que je mets les pieds dehors, je me perds. Tout change. Des quartiers entiers sont rasés, démolis, défigurés. D'autres émergent des ruines, des hommes fouinent dehors comme des rats, à la recherche d'objets familiers, des cahiers, des draps, des casseroles, des habits, des billets de banque, et ne trouvent que poussière et détritus, fers tordus, amas de pierres ou de parpaings. les rues ont disparu. A la place, des monticules de pierres, d'objets animés inanimés, des lambeaux d'habits, des tissus élimés. L'atmosphère est irrespirable. Mes pas sont lourds. Mes yeux pleins de poussière. Mes poumons étouffent. Allez. Peut-être qu'en faisant un effort, en pensant fort, en y pensant et repensant pendant longtemps, pendant longtemps encore, peut-être pourrais-je construire ou reconstruire ce que je reconnais ne pas reconnaitre mais avoir connu un jour et qui a disparu de ma mémoire, reviendra sûrement car rien ne s'efface, non, rien, depuis les temps immémoriaux, sont là, quelque part là, logés à une autre enseigne, je ne sais où, tout est là, mais il faut le chercher pour le trouver, ou le trouver pour le chercher. Indice par indice, signe par signe, objet par objet, du hasard à la nécessité du signe et de l'objet. Où est la ville ? Quelle est cette ville ? Je sais qu'elle existe. Elle existe car je sais qu'elle existe. Il suffit que je la pense pour qu'elle soit et qu'elle ait été. Je la devine, je la sens. Je ne sais pas. Je ne sais plus. Là, proche, lointaine, hautaine, vague, perdue, retrouvée dans les ruines, parmi les pierres qui s'amoncellent, je la reconstitue, pierre par pierre, il n'y a pas de cartes, il n'y en a jamais eu, sans plans, sans pans. Elle s'est faite, défaite et reconstruite, comme cela, sans plans, sans vision. Regroupe des êtres hétéroclites qui s'assemblent sans s'aimer ni se ressembler. Un jour il y aura, un jour il y a eu, non pas une ville mais deux villes, mais trois, quatre, une infinité de villes, de villes dans la ville, chaque rue étant une ville dans la ville, chaque balcon, chaque appartement, chaque chambre, une ville dans la ville, chaque être ou n'être-pas, une ville dans la ville. Entre la ville et la ville, un abîme, deux ou plusieurs les séparent, des rochers, des récifs, des mers, des montagnes, des précipices innommables, insondables. Etroits d'abord, qui, peu à peu, s'élargissent pour devenir des mers, des océans, habités par des mammifères marins, terrifiants, terrorisants, assoiffées d'eau, de bleu, de soleil et de sang. La ville, comme l'univers, en expansion permanente, intégrant de nouveaux espaces tout en se désintégrant au fur et à mesure de son expansion.

On pourrait y vivre. On y vit. On n'y vit pas. Quelques uns mais pas tous. Pas partout. Pas sur toute la ligne. On y survit. Jour après jour, nuit après nuit, heure après heure, minute après minute, seconde après seconde, quelques instants furtifs. Certes. On y meurt surtout. Une ligne qui se déplace aux grès du vent, des jours et des nuits, des victoires, des échecs et des trahisons, des abandons et des poursuites. Ville-dédale, ville-dépôtoir, ville-ordure, ville-pute, ville-terrain de jeux de petits enfants trop mûrs pour leur âge qui jouent dans la cour des grands avec des armes empruntées à leurs papas, ville-chicane. Des garçons en armes qui jouent aux cow-boys et aux indiens dans les rues de la ville. C'est la guerre. Grâce à la guerre. La ville comme champ de bataille et comme chant de gloire. Des rues, noyées de pluie, de poussière, de bruit, de saletés, de détritus, de gravats, de sacs de sables, d'obus, de voitures calcinées, dont il ne reste que carcasses rouillées, de corps criblés de balles, noircis, brûlés, gonflés, putréfiés, crucifixions héroïques et inutiles. Dès qu'on gratte ou qu'on fouille la couche de terre, on retrouve les vestiges de villes similaires à la nôtre, partagée, brûlée, ville dans la ville, abîmes, rochers, récifs, mers, montagnes, précipices innommables, insondables, abîmes devenus mers, océans habités par des mammifères assoiffées d'eau, de bleu, de soleil et de sang. Et si l'on gratte encore et encore et encore, on retrouve, couche après couche, ville après ville, villes après villes, abîmes après abîmes, rochers, précipices, mers et océans, ad infinitum, ad nauseum. Lumières de la ville, étoiles, phares, soleils. Absurde. Il y a encore des vies, ici ou là. Inutiles. Encore. De moins en moins. Tout s'éteint. L'obscurité éteint la lumière, une balle trace la ligne de l'obscurité à la lumière. La guerre ne s'arrêtera jamais, sauf si, sauf quand toutes les lumières s'éteindront d'elles-mêmes ou aidées par une main amie, de plus en plus faible, jusqu'à disparaître. Dans le noir, la peur de soi, des autres. La lumière fut la guerre. L'obscurité sera la paix.

© 2009 Marwan Elkhoury