Tuesday, June 30, 2009

Divagations

Pardonnez-moi cette étrange tristesse qui me hante
Cet étrange destin qui m'éprend
Cet étrange chagrin qui m'étreint

Est-ce dû à ce terrible hasard d'être né
À ce singulier hasard d'être là
Oui las, si las, que je me demande,

Je me demande si parfois,
Je n'aurais pas mieux été que de ne pas être
Je n'aurais pas mieux fait que de me défaire

De tant de temps en si peu de temps
De tant de choses en si peu de choses
De tant de prose en si peu de prose

Pardonnez-moi de ne pas savoir l'art de la poésie,
Ni de vouloir en faire l'art des signes,
Je viens de lointaines contrées désertiques
Où le mot est anachronique
Et le regard hérétique.

Qu'étais-je avant d'être
Quand tout conduit à la mort
L'ennui comme l'excitation
Tout conduit à l'extinction
De son corps météore,
Dis, que serais-je après d'être.

Je passe des nuits blanches à rêvasser
Devant ma page maculée de plaies
Enchaîné à terre et mon corps éreinté
Magnifique d'un côté, mais de l'autre esquinté.

J'aimerais couler dans le vert des profondeurs
Sans jamais remonter aux bleus vapeurs
Mais toujours ce ciel pâle, cette grisaille d'onde
Limbes de décrépitude sur le ridicule du monde.

Je ne rie plus de la désolation qui m'entoure
Ni des tempêtes de turpitude qui m'assaillent
Les pommiers sont en fleurs, les fleurs qui m'envoûtent.

Rimbaud, au beau visage aux yeux bleu clair,
Descendaient les fleuves impassibles
Des peaux-rouges, cloués nus aux poteaux de couleurs,
Débris d'humanité, éternelles litanies, rengaines,
Le saluaient pleins de rages et de peurs.

Verlaine, oui, les fêtes galantes, sagesse amère,
Poète des paysages tristes et de la mélancolie,
Qui, tout enfant, jadis et naguère,
Créait des paradis mystiques,
Des femmes évanescentes et physiques.

Baudelaire, l'albatros, prince des nuées,
Qui, exilé sur le sol au milieu des huées,
Hante la tempête et se rie de l'archer.

Je suis plutôt comme cet oiseau,
Qui, gauche et maladroit au sol,
Est incapable, ni de voler ni de flotter,
Peut juste sombrer dans les flots,
Pour rendre à l'âme son trop-plein de blâmes.

@2009 Marwan Elkhoury

Monday, June 22, 2009

Voyages d'Ulysse

Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage,
Qui eut pu, si les dieux l'eussent voulus, lui être fatal,
Et s'en est retourné, sain et sauf, dans son Ithaque natale.

Heureux qui comme Ulysse a fait un grand voyage
Vivre auprès de Pénélope, en son vieil âge,
Quoique, en son veuvage, fut aussi fidèle que volage.

Heureux qui comme Ulysse a fait un fier voyage
Se battit contre des Géants et gagna sans visage.
Habitué aux malheurs, bravant les présages,
Recherchait l'impossible et les affronts d'orage,

Pour ne pas être reconnu des siens,
Ulysse ne reconnut plus rien, et devint
Personne et personne ne le reconnut.

A la vérité, effacé des réalités,
Il vécut dans l'ailleurs, et depuis, confronté
A ce monde de nulle part, il voulut l'affronter
Ce monde et le monde des humains.

Il éclaira le Tartare,
Refusant d'avaler le nectar
Ne buvant l'ambroisie
Pour ne pas sombrer dans l'aphasie.

La lumière se tue et disparut enfin
Dans le néant de la mort, à mi-chemin,
Le saisissant dans ce monde de nulle part
Où le menait, au-delà de l'humain,
Les dieux, aux monts Olympiens.

L'infini le réclamait pour l'immortalité
Au lieu de cela, c'est la mort qu'il souhaitait,
Etre soi et disparaitre pour exister
Plutôt que l'immortalité dans un éternel paraître.

Heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage
Puis s'en est retourné vers son pays natal
Se demandant, mais pourquoi tous ces ravages
Pour une belle Hélène pourtant bien trop fatale.

©2009 Marwan Elkhoury

Wednesday, June 17, 2009

Lamentations de Jeremiah

J'aurais tant voulu vous décrire
Cette lumière, au crépuscule, qui traverse
Les feuilles vertes, mouillées par la pluie,
Avant qu'elle ne disparaisse,
Avant qu'aussi, je ne disparaisse,

Mais j'aurais beau l'observer,
Elle disparaît
Sans que je n'aie pu la décrire,
Comme je vais disparaître
Sans que je n'aie pu la décrire,

Mais quelle importance,
Elle se renouvelle,
Ni tout à fait la même,
Ni tout à fait bien différence,
Tandis que je ne me renouvelle pas,
Jamais vraiment le même,
Toujours vraiment le même,
Mais quelle importance,

J'aurais tant voulu vous décrire
Cette lumière du soleil qui se couche,
À travers les reflets des gouttes de pluies
Qui tombent, fines,
Entre les reflets de soleil
Sur les feuilles vertes et mouillées,

Des grappe de raisins, quelques olives,
Un morceau de spleen,
Un verre de champagne, au crépuscule,
Pour fêter l'écume du jour,

J'ai comme l'impression, la certitude
Que tout ce que je fais est inutile
Et pourtant je le fais
Pour me donner l'illusion
D'une utilité quelconque à ma vie,

Comme de me dire que
Je ne suis pas né pour rien,
Mais qu'au contraire, qu'au moins,
De ma vie, j'aurais fait quelque chose, qu'au moins,
En me rappelant quelque chose de ma vie,
Je me serais dit,
Mais oui, au moins, je me rappellerai
Ces quelques lignes, ou ces quelques heures inutiles,
Passées à les faire,
A les faire passer.

J'aurais pu, tout aussi bien,
Quoi, je ne sais pas, tiens,
Me battre, servir une noble cause, la patrie pardi,
Comme faire le bien,
Aider mes compatriotes, améliorer notre quotidien,
Sauver la planète et le monde dans lequel on vit,

Mais au contraire, j'écris,
J'écris pour me donner l'illusion que je suis,
Comme si écrire voulait dire être,
Comme si penser pourrait dire être,
Dixit notre bon vieux maître
Me donner l'illusion que je serais plus
Quand je ne serais plus
Que quand je suis,

Rien, du rien, l'expression du rien,
À ce moment, écrit, ici, noir sur blanc,
blanc sur noir, lignes après lignes,
Pages après pages, une inutile litanie
Dans un inutile parcours,
Celui d'un homme inutile dans une inutile vie.

Puis quand je serais mort, je serais
Jeté dans une fosse quelconque, comme tout un chacun,
Avec, au mieux, un marbre brillant et glacial me recouvrant,
Au pire, dans une fosse commune comme un vulgaire traître,
Traître à la race humaine, traître à la noble cause,
Traître au progrès, à la nation et au bien-être commun,

Je voudrais pouvoir, pourtant, vous décrire,
Enfin, ces derniers rayons de soleil
Qui m'éclairent le monde de leurs derniers reflets,
Brillants et froids, avant le crépuscule,
Ce soleil d'or qui s'effondre dans la mer,
Un dernier trait vert qui tire un trait
Sur le noir du jour,
Déversant les brillants de la nuit
Dans le soir de ma vie,
Dans le firmament de mon crépuscule,

Je commençais à voir briller
Dans l'infini l'étoile du berger
Suivie de la petite et de la grande ourse
Je plongeais dans ce magnifique ballet céleste
Pour disparaître à jamais dans l'immensité terrestre

Maintenant, je suis triste dans ce monde sans soleil,
Triste de retrouver la joie du soir,
La musique de mon esprit, les rythmes de mon coeur,
Tant pis ! espérer quoi et pourquoi, je me le demande ?
Déjà que d'espérer, c'est déjà excessif,

Qui sait si demain je serais,
Qui sait si demain sera
Peut-être que demain plus rien ne sera,
Plus rien ne sera de ce qu'ont été ces rayons pour moi ce soir,
Cette chaleur du soir dans le froid de mon coeur

©2009 Marwan Elkhoury

Thursday, June 11, 2009

Plus je contemple l'effervescence du monde

Plus je contemple l'effervescence du monde
et plus, je me dis, quelle honte,
mon dieu, où allons-nous ?

ah que la vie est belle
ah que la vie est bête

elle m'a quitté pour un baiser
pour un rien que je ne lui ai pas donné
pour un bouquet de fleurs que je lui ai refusé

ah que la vie est belle
ah que la vie est bête

pour un baiser en plus ou en moins,
une vie ou deux sont brisées
pour un baiser en plus ou en moins
une nouvelle vie peut être espérée

ah que la vie est belle
ah que la vie est bête

le monde, un jeu de dés improbable,
l'amour, un jeu de fées incroyable.

entre un tremblement de terre d'amoniac
et un tremblement de lèvres démoniaque
ma vie et mes amours se jouent

entre la beauté de l'amour
et l'horreur des jours
mon dieu, où allons-nous ?

épouser l'indifférence ou violer la vie,
nier le monde et lui tourner le dos,
comme on nie à une fille sa beauté
ou à un animal sa fougue ou sa force
ou bien foncer tête première dans le ressac des flots
mon dieu, où allons-nous ?

qu'attends-je de la vie
qu'une place au soleil
le temps que la nuit tombe
et que l'absence me relève

ah que la vie est belle
ah que la vie est bête

je n'ai nul besoin de voyages
pour savoir que la terre est plate
et que d'un bout à l'autre du monde,
un coucher de soleil est un coucher de soleil,
et que les montagnes roses, au coucher, sont merveilles.

je n'ai nul besoin d'amour
pour savoir que les femmes sont miel,
que d'un bout à l'autre du monde,
une femme est une femme,
et qu'une femme aux joues roses est une femme aux joues roses
et qu'une femme aux yeux verts est merveille.

pour un baiser en plus ou en moins,
une vie ou deux sont brisées
pour un baiser en plus ou en moins
une nouvelle vie peut être espérée

ah que la vie est belle
ah que la vie est bête

©2009 Marwan Elkhoury

Wednesday, June 3, 2009

Poussières d'étoiles

Comme pour toujours, je vais disparaître,
Comme si jamais rien n'était apparu,
Comme si jamais rien n'avait existé,
Comme si jamais n'avais ni rien senti ni rien vu,

Mais avant qu'à jamais, je ne disparaisse
Je voudrais bien qu'apparaisse
Quelqu'infimes particules de cette poussière d'étoiles,
Poussières de mondes, caresse de déesses,
Qui, sur moi et sur ma peau, se déposeraient,
Pour m'imprégner de sensations et de pensées,
De saveurs, de goûts et d'odeurs,
Dans le plus intime de mon corps et de mon coeur,

Ces flux des dieux, poussières de paradis,
Pour m'étouffer, m'éblouir et m'annihiler,
Me donner la connaissance d'un parfum d'incendies
Plaisamment transformé, par tout un peuple immonde, en voluptés,

Ô Satan, dieu miséricordieux, délivre-nous du banal,
Envoie-nous ton fils pour nous libérer du mal
Enivres-nous des plaisirs des amours fatals,
Donnes-nous la vie éternelle, auprès duquel
La damnation des dieux nous sera légère,
Les travaux à perpétuité, au coeur de nos querelles,
Une chimère;

Ô Satan, puisque l'enfer est notre destin,
Permets-nous au moins d'en faire un festin,
Un puits de jouvence, un siècle de lumières,
Pour voler au-dessus des dieux, humbles et fiers.

Nous mélangerons nos esprits au sel de la mer
Pour sonder les méandres de nos passions
Et confondre les angoisses de nos chères affaires
Auprès des dieux en rébellion.

Si je meurs demain, qu'aurais-je apporté
De ce que j'ai reçu,
Qu'aurais-je laissé
Au monde de ces ambitions déçues,
Rien que des rêves d'empires déchus,
Rêves de gloires dérisoires,
Rêves de conquêtes éphémères,
Ces rêves du rien, du rien qui est dans tout,
Et rêver le tout qui n'est dans rien.

Comme le vent qui souffle dans les feuillages,
Pour répandre le pollen parmi les nuages,
J'aurai semé une nuée de poussières dorées,
Sur un monde qui n'aurait jamais dû exister.

©2009 Marwan Elkhoury