Saturday, April 18, 2009

C'est par une infime erreur de parcours

C'est par une infime erreur de parcours,
Que je dois ma naissance,
Par une infime absence,
Que je dois mon existence.

Et de cette infime horreur est née cette vérité,
Comme par une infime coïncidence,
Le monde existe.
Et sans cette infime différence,
Rien n'aurait été.

Lorsque je sais, qu'à chaque instant, je pourrais,
Je pourrais cesser d'être,
Cesser, pour le moins, d'exister
Ou être autre, ce rayon de soleil sur ton visage,
Un baiser sur tes lèvres, ton sourire, tes yeux si bleus,
Ta poitrine ferme, ta taille gracile, ton pubis,
Un papillon de nuit, un rubis,
Ta chevelure blonde qui tombe sur tes fines épaules,

Et pourtant, je ne suis que ce que je suis,
Et pas autre chose,
Quoique si tu m'avais regardé
Plus longuement, plus intensément,
J'aurais pu être autre que ce que je suis,
J'aurais pu être ce regard, j'aurais pu être cet amour,
J'aurais pu être ce sourire, ou ce papillon sur ton pubis,
Un baiser sur tes lèvres, tes yeux si bleus,
La vague sur la plage, le vent dans tes cheveux,

Ne sommes-nous pas tous, de ce fait, une erreur
Et de cette erreur, n'en expions-nous pas, tous, la faute,
Tout le restant de nos jours,
Une faute que nous n'avions pas commise,
Mais comme tous ceux qui nous précèdent,
Nous la perpétuons avec allégresse
Peut-être pour en exorciser le mal ou la culpabilité,
Et nous permettre de reprendre notre souffle,
Pour respirer avant que d'expirer.

Mais maintenant que je suis, que nous sommes,
Qui suis-je, que sommes-nous,
Comment d'une telle inattention, d'un tel hasard,
Pourrait naître une telle nécessité.

Et déchirant le silence de la nuit,
Le coq chante, je me rappelle à la vie,
Je me tâte, tâte les draps, je me dis,
Ce n'était qu'un mauvais rêve,

Mais le réveil est pire, puisqu'il me rappelle à moi,
Il me rappelle à ce que je suis et à ce que je ne suis pas,
À ce que je ne serais jamais, à ce que je ne pourrais jamais être,
Il me dit, voilà, il me dit réveille-toi,
Je lui dis, tais-toi, je lui dis, laisse-moi,
J'enfouis ma tête sous les draps pour renaître
À de nouveaux rêves, à de nouveaux êtres.

© 2009 Marwan Elkhoury

Mon amour des mathématiques

Mon amour des mathématiques
Vient de ma haine du monde.

Ma copine m'a plaqué pour mon frère, typique
Je me suis amouraché de sa soeur, facile,
Qui s'était éprise de mon frère, subtil.

Elle m'a pris mon coeur, mais m'a refusé son corps
J'ai pris le coup sans m'en remettre, à tort,

Seul l'alcool aurait pu me faire oublier
Toutes les misères du monde
Mais rien, ni les mathématiques,
ni l'alcool, me faire plier,
Ni ne pouvait me faire oublier
Cette haute trahison, ce lèse-majesté.

Je suis parti en guerre contre moi-même
Les autres partirent en guerre
Contre un je-ne-sais-quoi
Qu'ils appelèrent du nom de dieu
Cela faisait plus précieux.

Je ne vois pas ce que dieu
À affaire avec nos affaires
Mais il était de tous les milieux
Et de toutes les sauces, douces et aigres.

Peut-être que ce qu'il leur manquait
C'était juste un peu de jugeotte
Et surtout un vrai chagrin d'amour, crottes.
Alors que moi qu'est-ce qu'il me manquait
Ce gros chagrin d'amour, petite sotte.

Je suis donc reparti en guerre
Mais je ne l'étais que contre moi-même
Et les autres contre ce je-ne-sais-quoi
Qui s'appelait dieu sait quoi.

Enfant de la guerre, j'ai connu les bombes,
Les filles et les règlements de comptes,
La guerre a façonné mes pensées
Sans que je ne n'aie jamais pu en être fasciné.

Certains s'en remettent, ravis,
De la guerre, comme de la vie,
Mais d'autres, pas, et s'en vont,
Comme ci, comme ça, ici ou là, c'est con.

Je suis donc parti pour ne jamais revenir
Parti ici et là pour mon bon plaisir
J'ai perdu mon chemin sans jamais l'avoir trouvé
Je n'ai jamais su s'il y avait un chemin ni où il me mènerait
Je me suis donc perdu sans jamais me retrouver
Perdu le chemin avant même de le prouver.

Baigné de clartés, j'ai recherché l'obscurité
Pour fuir la chaleur du jour, j'ai aspiré à l'ombre des cours
Aveuglé par la lumière, me suis réfugié dans les prières,
Mais rien n'est plus insidieux que la voix de dieu.

On m'a dit que tout se tenait
Alors que le monde tourne à vide
Par la force des choses, tout se tient, niais,
Et pourtant il tourne, dans le vide.

© 2009 Marwan Elkhoury

Tuesday, April 14, 2009

Passer la vie comme si

Passer la vie comme si
L'on n'était jamais passé
Sans autre passeur de ses rives que soi
Sans autres rives à passer que celle-ci
Sans autre passage que celui-ci.

Car l'autre rive est autre
Et celle-ci est celle-ci
Car l'autre rive n'est jamais celle-ci
Et celle-ci n'est jamais l'autre

Car pour passer d'une rive à l'autre
Faut-il pouvoir passer déjà celle-ci
Mais celle-ci est toujours celle-ci
Impassable, insurpassable,
Et l'autre est toujours l'autre,
Impassable, insurpassable.

Passer la vie comme un mort
Sans autre chemin que celui-ci
Sans autre chemin que le non-chemin,

Car les morts ne marchent plus
Et les morts n'ont d'autres chemins
Que le chemin qui les a vus,
Leur point d'arrivée, leurs point arrivés,
Leurs point de fins, leurs points de fin.

Passer la vie comme un tort
Car la naissance est un tort
Car la vie est un tort
Et le tort est de le vivre
Et le tort est de la vivre.

Passer la vie comme un port
Duquel on ne quitte jamais
Auquel on n'accoste jamais

Passer la vie comme un fort
Un fort-à-faire dans le néant
D'une existence inexistante
Parmi les milliers de constellations du vide.

P.S. Ceci n'est qu'un piètre poème
Et comme tout poème, même piètre,
N'a d'autre existence que celles des mots,
C'est-à-dire, du faux
Et comme tout ce qui est vrai est faux,
Tout ce qui est faux est vrai.

©2009 Marwan Elkhoury

Sunday, April 12, 2009

Il fait gris, gris, toujours aussi gris

Il fait gris, gris, toujours aussi gris
Je cherche mon chemin dans les étoiles
Je ne trouve ni mon chemin ni les étoiles.

J'ai tellement changé de chemins
Que je n'ai plus de chemins
Tellement changé de noms
Que je n'ai plus de noms
Tellement changé de femmes
Que je n'ai plus de femmes
Tellement changé de dieux
Que je n’ai plus de dieux
Tellement changé
Que plus rien ne change.

De tristesses et de nostalgies,
Je sème mon parcours,
De misères et de tragédies,
Je trace mon séjour.

Mes chemins sont jonchés de cadavres,
Chroniques de guerre, embûches et entraves
Mes rêves sont parsemés de fleurs
De caresses de haines et de peurs

Aux détours d'un chemin, je découvre les mensonges
Et par-delà les tours, l'effondrement de mes songes
Ô dieux, comment expliqueriez-vous ces désastres
Ô dieux, comment tolériez-vous ces naufrages

Est-ce grâce au diable que nous devons la vie,
Tellement elle est misérable et si peu assouvie,
Que devrions-nous faire pour mériter cet au-delà,
Si ici-bas tout est déjà si bas.

À chaque jour identique à lui-même,
Le jour identique à la nuit,
La nuit identique au jour,
Alors que tout autour de moi change,
Pour moi plus rien ne change
Ni le jour ni la nuit
Le jour identique à la nuit,
La nuit identique au jour.

©2009 Marwan Elkhoury

Friday, April 10, 2009

ne voilà-t-il pas qu'une vie est déjà passée

ne voilà-t-il pas qu'une vie est déjà passée
une vie que je cherche mes mots et mon verbe
une vie où je n'ai réussi qu'à noircir du papier
tout ce temps tout ce temps perdu à chercher
tout ce temps tout ce temps perdu à jamais

chaque tentative un échec
chaque essai une méprise
ne pas arriver à traduire
en mots les choses que l'on ressent
mais arriver juste à tromper les sens,
à camoufler la pensée
faire entorse à soi et à toi
arriver juste à prétendre
au lieu de tendre
pour mettre en
musique les sons que l'on entend

à apprendre les mots les dire et le faire
à apprendre à avoir ou à être
une vie que je me demande
si le sens a encore du sens
une vie que je me demande
si le silence n'en a pas plus
ou si le non-sens
est plus porteur de sens que le sens.

croire croire croire
à des idées encore
avoir foi loi toi moi quoi
amour cour pour jour four
mort tort porc corps or dors
humanité urbanité nullité honnêteté futilité
pusillanimité

croire mais en quoi
croire mais en qui
s'il y avait un dieu,
encore aurait-on pu
y croire mais encore
s’il y avait un homme
encore aurait-on pu
y croire mais encore
une femme, mais quoi encore

mais à quelles idées,
pâles reflets d’une réalité alitée
tout est laminé, épuisé
éreinté, esquinté, essoufflé
le mieux est encore de n'y pas croire

mystiques, moustiques, caustiques,
fausses acoustiques
rêves, trêves, crève, sève, lève, mièvre
pieuvre, heures, meurt, coeur, leurre, peur

encore en tête cette chanson de dylan
"how many roads must a man walk down
before you can call him a man
The answer, my friend, is blowin΄ in the wind;
the answer is blowin΄ in the wind.

©2009 Marwan Elkhoury

Saturday, April 4, 2009

Laissez-moi vous dire

vous dire ... vous dire avant qu'il ne soit trop tard
vous dire ... n'est-il pas déjà trop tard ?
vous dire ... il est toujours trop tard ...
vous dire ... je n'ai jamais pu vous dire
... vous le dire ...
rien pu dire mais dire médire re dire

le rien
ne rien dire mais dire mais le dire
le rien ce n'est rien ne vois-tu rien venir
non toujours rien jamais rien
rien je ne vois rien venir
jamais toujours

mais quoi
quoi quoi quoi
quoi qu'il arrive ne t'en fais pas
ne t'en fais pas ce n'est rien
ça va ça ira tu verras ce n'est pas grave
ce n'est pas si grave

oui ça ira
comment le sais-tu
ce n'est rien
je n'en sais rien
mais je sais que ça ira
oui ne t'en fais pas
ne t'en va pas

tu verras
ça ira tout ira bien
qu'est-ce qui s'est passé ?
il ne s'est rien passé
il ne s'est jamais rien passé

vers quelles côtes, vers quels ports,
mes dérives immobiles me jetteront-elles,
m'écraseront-elles, me déchireront-elles
la mort de ma vie, l'absence, le bruit,
le bruit dans le silence, le silence dans le bruit
le bruit de la vie tue le silence,
étouffe la musique et son silence
l'écriture est un couteau qui tranche
qui penche

solitude
dans la solitude du désespoir
bateau ivre qui flotte dans des cieux striés d'éclairs
totalement désespéré, je reste assis sur le vide
où suis-je dans quel lieu dans quelle vie dans quel temps
lumières du noir
ces soleils noirs

et si, pour changer, je me suis dit
si pour changer j'étais joyeux
je me suis dit je suis joyeux
si joyeux que j'en serais au bord des larmes
et j'y sombrais et
je pleurais
et j'étais à nouveau malheureux
comme je l'ai toujours été
comme je le serais toujours
je serais malheureux
le meilleur et le malheur de vivre eh oui
joyeux oui ça ira

joyeux heureux malheureux triste
ce n'est rien car rien n'est toujours rien
le rien ne peut être
rien que le rien et rien d'autre

comment vivre la non-vie
être le non-être
n'être rien et être soi
rien pour soi ni pour les autres
même pour soi et que pour soi
rien qui compte et qui ne compte pas
présent absent du tout au même
ici ou là ou nulle part quelle importance
quelle différence et quelle indifférence

il y a le temps
il est là sans être là
ici et nulle part
le temps personne ne l'a
ça n'existe pas
il n'y a pas de temps

l'espace
où est-il quel est-il à qui est-il
il est nulle part
à personne
il n'existe pas

il y a l'immensité de l'espace et du temps
qui sont à tous mais pas à nous
à personne
ils n'existent pas

il y a il n'y a pas
il est il n'est pas
et dans cette non-existence nous existons
entres ces nons-espaces nous passons
nous trépassons
dans ce non-sens nous cherchons un sens
un tout qui s'immiscerait dans ce vide.
ci-gît ma vie.

©2009 Marwan Elkhoury