Rien ne me retient plus ici-bas,
Et pourtant je reste.
Je reste de peur de bouger,
Je reste de peur de partir,
Et qu'en partant, le peu qui me reste,
S'en aille aussi tout aussi vite.
Je ne suis pas d'ici, et pourtant,
Je reste ici sans bouger,
Les jours comme les nuits se succédant,
Les jours identiques aux jours se succédant,
Les jours identiques aux nuits se succédant.
À force de ne voir personne,
À force de ne parler à personne,
J'ai honte d'être ici,
La honte me déforme le visage,
Et j'ai peur que cela ne se lise en sortant.
Mais pourtant si je me décidais à sortir,
Chassé par la honte de mon trou pourri,
Chassé par la honte de ma solitude infinie,
Chassé par la honte de mon désespoir de vie,
J'entends, au dehors, les cris des enfants
Sortant de l'école et qui dansent et qui rient,
Pleins de vie et d'espoir de la vie qui les hante,
Une vie dont ils n'auront le temps d'y penser,
Une vie dont ils n'auront que faire d'y songer.
Ne voilà-t-il pas que je quitterais
Ce monde d'artifices et d'images
Pour un monde de fées et de mirages
Celui qui est pour lequel j'étais fait,
Contrairement à celui qui n’est pas qui me défait,
Un monde de tous mes fantasmes et de tous mes orgasmes,
Celui de femmes lascives et de chérubins angéliques,
De profonds océans et de cieux bénéfiques,
Dans lesquels s'y plonger et s'y perdre est si jouissif.
Allez, le monde existe bien autour de moi,
Plus d’un milliard et demi de chinois,
Et moi et moi et moi et moi, si plein d'émoi,
Si seul et si transparent,
Si frêle et si inexistant.
©2010 Marwan Elkhoury
Lettre A Pierre
3 weeks ago